jeudi 16 juillet 2009

Le fil d'Ariane - Regarder la mer


Durant les années 70, j'ai continué à dessiner et à écrire. Et bien sûr, j'ai aussi vécu. C'étaient des années très riches musicalement, spirituellement, des années de changement, remplies de promesses! J'écrivais surtout mes rêves, je les écrivais tous... Il faut dire qu'il suffit de s'intéresser activement à nos rêves pour s'en rappeler de plus en plus au réveil. Résultat: C'était un peu trop, hi, hi! Je trouvais à peine le temps de les noter. C'est comme si on voulait noter dans notre journal tout ce qui nous arrive dans une journée. Ouf! Après, j'ai décidé de ne noter que ceux qui me "parlaient", qui me paraissaient importants. En février 1976, j'ai commencé à travailler dans un C.L.S.C. et à me sentir utile à la communauté. Fin août 1981, je suis "tombée" en amour avec un homme qui était d'avance un ami cher à mon coeur; un homme qui avait une riche vie intérieure, qui aimait dessiner entre autres ses rêves... C'était un beau partage et un tremplin pour moi.
Mais il me manquait quelque chose, je m'ennuyais, je me nourrissais d'illusions sur ce que je pourrais faire si seulement j'en avais l'occasion. J'avais de beaux rêves de partage mais je ne savais comment les concrétiser, quel chemin prendre. En 1974, je m'étais promis de progresser et j'avais l'impression de stagner intérieurement. C'est ce qu'on appelle en alchimie la "Nigredo", l'oeuvre au noir. C'est alors que (en octobre 1982) j'ai trouvé un pamphlet sur une table à l'accueil du CLSC: Solidarité-Psychiatrie, et au programme des "Discussions autour de la folie". Wow, ça m'intéressait. Je suis devenue membre de ce groupe d'entr'aide en santé mentale. Je me suis fait des amis... et j'ai aussi été confrontée à mon ombre, mes problèmes de communication. C'est alors que j'ai écrit ce poème rempli d'anxiété, un cri du coeur: "Caricature de soleil".

Quelques mois plus tard, j'ai fait une petite gaffe et je m'efforçais de ne pas y penser (j'y pensais tout le temps), je me suis couchée sur mon lit, me suis détendue, et c'est là que j'ai enfin tenu entre mes mains le début du fil d'Ariane qui devait déterminer tout le reste de ma vie. Une voix m'a parlé à l'oreille, elle a dit: "Penses-y deux jours..." D'où venait-elle? De mon subconscient? D'un guide? Je ne sais pas! Mais c'était une vraie voix. Et c'était très surprenant et étrange. On a l'habitude d'images hypnagogiques, chacun de nous en a fait l'expérience, mais entendre une voix nous parler, c'est plus inhabituel, et ça fait un peu sursauter, la première fois! Y penser deux jours, ça voulait dire de ne pas essayer de ne pas y penser; et qu'après deux jours... je l'ai constaté maintes fois par la suite, même quand il s'agit d'une grosse gaffe, on peut passer à autre chose, on peut continuer, cet incident fait désormais partie du passé.

Pas longtemps après ce premier "contact", et dans le même état d'être, allongée et détendue, j'ai entendu: "L'attente vaut mille mots." Cette phrase m'a inspiré le poème: L'attente, que voici:
Et puis, j'ai entendu un matin un prénom dans ma tête: "Noémie". Comme je ne connais pas de Noémie, j'ai pensé à ce prénom phonétiquement, et j'ai pensé: "No way me", moi qui n'ai pas de chemin... et tout de suite après, j'ai pensé: "Know way me". Ah, cette fois, c'est plus encourageant: Moi qui connais le chemin. L'inconscient souvent s'exprime de cette façon notamment dans les rêves, c'est ce qu'on appelle la langue des oiseaux. Je vous en parlerai plus en détails une prochaine fois.

Par la suite, jamais cette guidance ne m'a fait défaut. Si j'avais une interrogation, si j'avais besoin d'un conseil, je posais ma question intérieurement, et la plupart du temps, j'avais une réponse, sous une forme ou une autre. Et c'est encore le cas aujourd'hui. L'inconscient ne demande qu'à établir un contact, c'est nous qui bloquons involontairement ce contact, parce que le mental en nous prend souvent toute la place. J'ai compris après de nombreuses années que cet état d'être, ce lâcher prise, qui permet de faire place au flux vivant de l'inconscient est ce qu'on appelle la méditation. Mais contrairement à ce qu'on préconise la plupart du temps quand on parle de méthodes de méditation, loin de laisser passer les images et le verbe sans m'en préoccuper, j'ai pris l'habitude de noter tout ce que je pouvais noter. La nuit, j'avais toujours à côté de moi de quoi écrire. Pendant quelques années, je pouvais souvent, le matin surtout, être dans cet état pendant une heure, et noter à mesure ce qui venait, pour ensuite me replonger dans cet état. J'ai plus de difficultés maintenant... Mais ce que Jung appelle le processus d'individuation proprement dit, je l'ai vécu jusqu'au bout, et ensuite, une voix m'a dit que je pouvais cesser de tout noter... ce n'était plus nécessaire.

Bien sûr, la fin de ce processus n'est pas la fin du cheminement, qui lui ne se termine jamais. On passe simplement à autre chose. Le processus d'individuation permet d'arriver à se connaître assez pour arrêter de projeter à l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur de nous. C'est très long! Entre le moment où je me suis décidée à entreprendre seule mon cheminement et la période où j'ai vu deux images mentales à propos d'une cité qui était presque terminée, il s'est passé 25 ans.

Un jour, j'ai entendu ceci: "Si les hommes savaient ce qui arrive (OU * ce qui se passe) lorsqu'ils regardent la mer, ils la regarderaient tout le temps". Pour moi, cette phrase signifie: Si les hommes savaient ce qui se passe en eux quand ils sont en contact avec l'inconscient, qui comme la mer regorge de richesses et de mystères (la mer est couramment un symbole de l'inconscient), ils entretiendraient ce contact précieusement... ils tiendraient solidement en matin ce fil d'Ariane qui nous permet de ne pas se perdre dans les dédales de la vie! C'est la grâce que je vous souhaite sincèrement!

Amicalement,
Michelle
* Je sais, ce "OU" est déconcertant! Mais il faut dire que cette "intrusion" de l'inconscient dans le conscient prend toujours par surprise, et le temps de se la répéter... et de l'écrire, la phrase est souvent moins précise qu'on le voudrait. Ainsi, mes cahiers sont truffés de ces imprécisions un peu agaçantes. Cependant, voyez comme les deux "versions" sont subtilement différentes: "ce qui arrive", ce qui surgit, survient, OU "ce qui se passe", qui suggère une modification (de l'énergie?). Dans une réaction chimique, "ce qui arrive" serait le précipité ou la fumée qui ressort d'un mélange, et "ce qui se passe" serait un changement de sa couleur, de sa texture, etc.

5 commentaires:

  1. Quel beau partage Miche !
    Je suis ému de ton ouverture et de ta transparence !
    As-tu touvé ton identité ou crois-tu que nous n'en avons pas ?
    À bientôt !
    Je vais voir l'estuaire du Saint-Laurent cet été. Je penserai à ton écrit !

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  2. Michelle,

    tu as toujours été un ange pour moi.

    merci, merci mille fois de ce beau texte.

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  3. A J.R., bien sûr que j'ai trouvé mon identité, mon vrai soleil!
    Et toi aussi, j'en suis certaine!
    Nous avons eu des chemins bien différents! Tu as une belle personnalité, tu es unique et original!

    A Jocelyne, merci à toi, tu es une très belle personne, dynamique et unique!

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  4. Ton écriture coule... ruisseau dans la mer. C'est vraiment beau de croiser des individus qui savent où chercher la beauté des choses et qui laissent place au mystère.
    Être en contact avec son "JE" ontologique profond, c'est rencontrer la VIE.
    Bravo Michelle. Ta limpidité est rafraîchissante.
    Amitié.
    Lysette

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  5. Je suis bien allé voir l'estuaire en 2009 mais j'y retournerais bien, un jour ! J'ai aimé être en contact avec mon inconscient.

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