dimanche 3 février 2013

LE GÉANT BEAUPRÉ

J’ai terminé hier matin la lecture du livre de Marjolaine Bouchard « Le géant Beaupré ».  C’est une histoire magnifiquement racontée mais triste, la vie de ce géant mort de tuberculose à l’âge de 23 ans, histoire qui s'est étrangement prolongée longtemps après sa mort, puisque le corps momifié d’Edouard Beaupré a été exhibé en divers endroits, oublié pendant trois ans, retrouvé et exhibé de nouveau jusqu’à ce qu’il se retrouve au département d’anatomie de l’Université de Montréal et ensuite dans un endroit public de cette même université.  Ce n’est qu’en juillet 1990 que le géant momifié a été enfin incinéré et enterré décemment en Saskatchewan, où il est né en 1881. 

Mon grand-père a vu ce géant à Montréal, il nous en parlait quand nous étions enfants, impressionné par cet homme qui dépassait de plus d’une tête la foule qui l’entourait, et ma sœur Louise l’a vu momifié puisqu’elle a travaillé à l’Université de Montréal durant le temps où il y était exposé. 

Cruel destin pour cet homme sensible et timide, prolongement incroyable au-delà de la mort, au-delà du bon sens, du sens commun.  Ça me rend intérieurement mal à l’aise.  Lire son histoire m’a fait repenser à des rêves que j’ai eus il y a longtemps mais qui sont toujours restés vivants dans ma mémoire :
D’abord, en 1981, j’ai rêvé à une femme exhibée sur une table dans la cuisine chez une de mes tantes.  Elle était morte mais n’avait pas été enterrée et elle suppliait qu’on l’enterre.  Ce rêve avait rapport avec un nouvel amoureux et une attitude qui m’avait fait souffrir dans mes relations antérieures et que je ne voulais surtout pas perpétuer.  Je me devais de rectifier ma façon d’être, d’agir, de réagir.  Le rêve était clair pour moi et c’est ce que j’ai fait.
Un an plus tard, le 13 août 1982, j’ai rêvé ceci :   Une femme âgée habitait dans un genre de kiosque avec une enfant, une pièce avec une vitrine pour que les gens la voient.  Elle était renommée pour sa laideur repoussante.  Il y avait plusieurs années qu’elle vivait là.  L’atmosphère était triste à mourir.  Cette femme est tombée malade, un homme a fait venir un médecin qui a juste écouté son cœur et a dit que c’était correct.  La femme disait qu’elle ne pouvait plus que pleurer ou rire.  L’homme l’entraîna dehors et là, en marchant, sa physionomie changea, sa laideur s’estompa.  Elle revint chez elle prête à revivre, à recommencer sa vie autrement.  Elle se demandait s’il était trop tard.  Puis je la voyais dans sa vitrine, en train d’écrire un conseil à propos du cœur.  Dans le rêve suivant, cette femme vendait de la nourriture et je voulais me rapprocher d’elle pour l’encourager à continuer. 
Quelques mois après ce rêve j’ai eu l’opportunité d’animer un atelier d’écriture ce qui a été pour moi un tremplin, le début d’un changement majeur dans ma vie.
Et enfin, le 7 juin 1999, j’ai fait ce rêve :  Il y avait une momie dans le coin d’une pièce en désordre.  Je me demandais qui l’avait transportée là.  Ma sacoche et mon argent se trouvaient aussi dans cette pièce.  J’y allais parce que je devais récupérer mes choses, mais j’avais un peu peur d’elle.  Pourtant elle était petite et semblait bien morte et ce depuis longtemps.
Synchronicité :  Le 9 juin de la même année, à la télévision, j’entends parler d’un homme, à Cuba, qui gardait une momie dans un placard chez lui. 
Le 16 juin, j’écoute une cassette de Germain Beauchamp sur l’Egypte ancienne.  Il dit qu’au 17e, 18e et 19e siècle, en Europe, il y a eu une vague suscitée par une étrange croyance :  manger des fragments de momie était supposé tout guérir.  Ainsi des milliers de momies ont été acheminées par bateau en France, en Angleterre.  On en mangeait, on en faisait des cataplasmes.
Et puis j’ai lu dans le Journal de Montréal, en date du 12 juin 1999 (j’ai collé l’article dans mon cahier) :  « Une nécropole contenait 200 momies recouvertes d’or – Le Caire – Une nécropole contenant 200 momies bien conservées et richement recouvertes d’or a été découverte dans l’oasis de Bahareya dans le désert occidental égyptien. »
Naturellement, j’ai tenté de comprendre ce que signifiait pour moi le symbolisme de la momie, suite à cette multiple synchronicité.  Mes réflexions tournaient autour de ma trop grande passivité, de la momification qui a comme but la continuation de la vie dans l’au-delà.  Ma sacoche contient mes cartes d’identité et mon argent, l’identité représentant ma personnalité et l’argent signifiant l’énergie disponible.  La momie n’a plus rien de tout ça.
Pour terminer sur une note poétique, voici un poème que j’ai écrit il y a longtemps   (je ne sais plus quand, je ne l’ai pas daté).  Pour en savoir plus sur la construction de ce poème :  http://le-chemin-au-dela.blogspot.ca/2009/05/le-geant.html 
LE GÉANT
J'ouvre mon coquillage et j'y trouve un géant tout fripé.
Il se déplie lentement vers la rue qui passe et repasse devant lui.
Pas question de repos ni de retour dans l'abri.
La mer des pensées roule dans sa tête, brassant les étoiles qui scintillent tout au fond.
Tristesse!  Devant l'immensité, le coeur du géant est coincé.
Tant d'images défilent dans le bleu cristal!  Aucune frontière!
Le géant cherche une île pour y bâtir sa maison, éclairée d'une lanterne, avec une cave très profonde remplie de secrets en liberté surveillée!
Des "je ne sais quoi" pas encore nés du hasard et du temps,
encore abrités dans l'arche, qui se pose doucement                                                      

au fond du terrain confortable.
Michelle