dimanche 22 décembre 2013

Les sentiers et les fjords

Fjord du Saguenay


Le 8 décembre dernier, ces paroles me sont venues à l'esprit:

"Il y a les sentiers et il y a les fjords"
 
Il y a les sentiers.  La vie parfois suit des chemins bien balisés, agréables et sans danger.  Mais au cours de la vie, il y a aussi des fjords.
 
Un fjord est une ancienne vallée glaciaire.  On y trouve de l'eau de mer et de l'eau douce.  La salinité et la température de ces deux eaux étant très différentes, elles se mélangent peu, l'eau douce restant en surface car moins dense que l'eau salée.  Donc eau douce (inconscient personnel, en surface) et eau salée (inconscient collectif, en profondeur) ne sont pas mélangées mais se côtoient.  
 
Un fjord n'est pas de tout repos.  Les conditions y sont parfois difficiles.  L'inconscient regorge de richesses et de périls.  Le fjord est toujours très profond et parfois surmonté de falaises escarpées aussi hautes que le fjord est profond.  Hauteur et profondeur se font écho.
 
Quand la vie nous amène, avec notre assentiment ou à notre corps défendant, à bifurquer des agréables sentiers pour nager en profondeur dans un de ces vastes fjords, l'aventure nous y attend.
 
C'est ce qui arriva à Carl Jung il y a 100 ans.  Son aventure loin des sentiers battus commença le 12 décembre 1913.  Jung a volontairement plongé dans l'inconscient, sans savoir où le mènerait son étrange périple.  Voici un petit extrait de son récit, tiré de "Ma vie", page 208:
 
"Ce fut au temps de l'avant de l'année 1913 que je me décidai à entreprendre le pas décisif - le 12 décembre. J'étais assis à mon bureau, pesai encore une fois les craintes que j'éprouvais, puis me laissais tomber.
 
   Ce fut alors comme si, au sens propre, le sol cédait sous moi et comme si j'étais précipité dans une profondeur obscure. Je ne pus me défendre d'un sentiment de panique. Mais soudain, et sans que j'eusse atteint une trop grande profondeur, je me retrouvai - à mon grand soulagement - sur mes pieds, dans une masse molle, visqueuse. J'étais dans une obscurité presque totale. après quelque temps mes yeux s'habituèrent à l'obscurité, celle d'un sombre crépuscule. Devant moi était l'entrée d'une caverne obscure ; un nain s'y tenait debout."
 
Hommage à ce précurseur, grand aventurier de l'esprit.
Je lui lève mon verre et lui dis:  Mille mercis!  
 
Michelle