vendredi 27 mai 2011

Champ et semailles


Le 19 avril, je vois un champ rectangulaire de terre noire (ou très foncée) qui a l'air tout remué, labouré, prêt pour les semailles. Une voix dit que je sais quoi faire avec ça.

Le 20 avril, je vois l'amputation d'une jambe et j'entends: "... faut-il être semailles?"

(Il s'agit d'images et paroles hypnopompiques, c'est à dire surgies dans mon esprit dans la phase de réveil partiel qui succède au sommeil)

Je me dis qu'il reste donc beaucoup à faire, puisque ce champ n'est pas encore ensemencé! Une terre labourée, travaillée, épurée, vierge de scories. Terre prête à recevoir les semences. La nature de la terre est réceptivité. Dans le grand commentaire du Yi-King, je trouve ceci, à propos du Livre des transformations:

"En levant les yeux, on contemple, avec son aide, les signes du ciel en une pleine intelligence; en abaissant le regard, on examine les lignes de la terre, on connaît ainsi les conditions de l'obscur et du clair... L'union de la semence et de la puissance opère les choses; l'amollissement de l'âme opère le changement..."


Et à propos de K'ouen, la terre: "Le réceptif de par sa nature est repos. Au moyen du repos ce qu'il y a de plus simple est rendu possible dans l'existence spatiale. Cette simplicité qui naît d'une pure réceptivité est alors le germe de toute multiplicité spatiale."

Il faut l'union de la semence et de la puissance pour opérer les choses. Donc à la question: "Faut-il être semailles?" je réponds: oui! Mais qu'en est-il de l'amputation? Je suis restée sans réponse jusqu'à ce que je relise dans mon cahier et réalise que juste après cette image et ces paroles énigmatiques, je me suis réveillée avec dans la tête une chanson qui me vient de mon enfance. Cette chanson fait partie d'une histoire gravée sur un disque vinyle, que j'ai écoutée et ré-écoutée quand j'étais petite. Il s'agit d'un petit train appelé "Puff'n Toot". Et plus précisément, ce matin-là, c'est la chanson de la vache qui m'est revenue en mémoire: "I'm Moo-Moo the cow..." J'ai cherché sur Internet et j'ai retrouvé ce disque. Quel bonheur! http://www.youtube.com/watch?v=XYpyDolY_qc&feature=related

Puff'n Toot est un petit train qui conduit des enfants vers un camp de vacances. Il est forcé de s'arrêter soudainement, car une vache lui bloque le passage. Couchée sur la voie, elle chante: "I'm Moo-Moo the cow, I eat lots of hay". (Hum! Sans commentaire!) Dans le Yi-King, la vache symbolise la docilité, la soumission et l'humilité. Mais sa passivité est proverbiale et, bien sûr, poussée au maximum, peut se révéler un obstacle à la progression!

La vache, après avoir poussé sa chansonnette, consent à se lever de la voie ferrée pour les laisser passer. Mais voilà qu'un peu plus loin, le petit train doit s'arrêter encore, car son trajet habituel se révèle temporairement impraticable. La seule façon de poursuivre le voyage est de gravir une haute montagne... Oh la la! Puff'n Toot n'a qu'une petite locomotive pas très puissante. Par contre, elle possède un enthousiasme et une persévérance qui compensent sa faiblesse. Premier essai... manqué, on revient tout en bas. Et puis, un élan plus puissant permet enfin à la petite locomotive de franchir cet énorme obstacle, et de conduire finalement les enfants à bon port.

Durant cette étape cruciale, quand j'étais petite, je joignais mes efforts à la petite locomotive, mimant les tentatives de Puff'n Toot pour arriver à franchir cette épreuve qui paraissait insurmontable.

Le semeur est l'intermédiaire entre la terre et le ciel, et les semailles, l'ensemencement, l'action, l'effort consenti pour arriver au résultat. "Faut-il..." me fait penser à une faux... qui sert à moissonner, pas à semer, ni à mutiler! Une jambe coupée empêche d'avancer, du moins complique les choses, en ce qui a trait aux démarches, à la mobilité, à l'autonomie. Dans les commentaires rattachés à l'hexagramme de la terre, on lit ceci: "Le cheval ... symbolise la vaste étendue de la terre. Le terme de "jument" est choisi parce qu'il unit la force et l'agilité du cheval à la douceur et à la soumission de la vache." "L'homme doit posséder la force intérieure, une nature massive et vaste pour être en mesure de supporter le monde sans être influencé par lui."

Je suis le petit train courageux rempli d'enfants vibrants d'énergie, mais je suis aussi la vache couchée sur la voie qui chante un joyeux refrain, mais préfère rester immobile, passive, regarder passer les trains en mâchant du foin et jouir d'une vie tranquille et sans surprises. La peur me coupe les jambes, m'empêche d'avancer, mais je suis semailles sur ma terre remuée!

Je suis le champ de terre labouré, travaillé, depuis tellement d'années, mais le plus important reste à faire. Bien sûr, il faut être semailles, sinon la terre reste vierge... belle, prête, disponible... mais vierge! On me dit que je sais quoi faire avec ce champ, donc rien de neuf sous le soleil. La tâche requiert force et persévérance, et aussi auto-bienveillance!

Ceux qui s'aiment sèment!
Michelle

dimanche 1 mai 2011

Synchronicité - Le festin



Le 2 avril, je regarde un film: "Le labyrinthe de Pan", qui se déroule en temps de guerre. L'atmosphère y est lugubre. Durant la nuit, une fillette, Ofélia, doit remplir une mission. D'abord tracer une porte à la craie dans sa chambre, afin de créer une ouverture vers une salle sombre. Là se trouve une longue table chargée de mets de toutes sortes. Un véritable festin! Mais il est absolument défendu d'y manger quoi que ce soit. Au bout de cette table, une redoutable créature est endormie: un ogre qui, d'après les tableaux sur les murs, a trucidé des enfants pour ensuite les manger. Ofélia subtilise un objet dans un coffre: une dague. Puis elle ne peut s'empêcher de manger un raisin ... Le monstre s'éveille. Elle le voit avec horreur manger les petits êtres ailés qui l'accompagnaient. Et puis elle s'enfuit et échappe de justesse à cet être horrifiant.


Le matin du 7 avril, je lis dans les Chroniques de Narnia: L'odyssée du Passeur d'Aurore, un passage que je vous résume ici: le prince Caspian et son équipage sont partis à l'aventure sur un navire appellé le "Passeur d'aurore" dans le but de retrouver sept explorateurs qui ne sont jamais revenus de leur voyage vers le Bout-du-Monde. Lucy, Edmund et leur cousin Eustache se sont joints à eux en cours de route (il serait trop long de vous raconter les détails). Toujours est-il qu'un jour ils abordent une île, là où commence le Bout-du-Monde. Et sur cette île, au milieu d'anciennes ruines à ciel ouvert, ils trouvent une longue table chargée de mets de toutes sortes. Au bout de cette table, trois curieux personnages endormis depuis fort longtemps, puisque leurs cheveux et leurs barbes "avaient peu à peu recouvert la table, grimpant et s'enroulant autour des assiettes et des hanaps ... avant de déborder et de descendre jusqu'au sol, emmêlés jusqu'à ne plus former qu'une énorme tignasse." De toute évidence, un sort leur avait été jeté. Il s'agissait des trois derniers explorateurs qu'il leur restait à trouver.


Juste avant l'aurore, deux nouvelles personnes sont arrivées. D'abord, une femme très belle qui leur assura qu'ils pouvaient manger sans crainte, que les mets sur la table n'étaient pas la cause de l'endormissement de ces messieurs. Alors ils ont bu et mangé à belles dents, jusqu'à satiété. Après, le père de cette femme s'est avancé vers eux, brillant d'une lumière intérieure (Il avait été une étoile, jadis). Quand le soleil enfin a dardé ses premiers rayons, nos amis ont eu droit à un spectacle magnifique. Des milliers d'oiseaux blancs ont volé vers eux, chantant dans une langue inconnue, envahissant toute la table et la dépouillant de tous les restes de ce somptueux repas. Tous les soirs, un festin apparaissait sur cette table, qui s'est avérée être la table d'Aslan, mise à la disposition de tous les visiteurs qui se rendaient aussi loin, à l'orée du Bout-du-Monde. Et tous les matins, les oiseaux blancs nettoyaient la nappe de tout résidu.


Sur la table se trouvait un étrange objet, qui faisait contraste avec tout le reste. Une épée: celle-là même qui avait tué Aslan (l'équivalent de la lance qui a percé le flanc du Christ, puisque Aslan est une allégorie du Christ). Cette épée était responsable du sommeil magique des trois personnages. La seule façon de les délivrer de ce mauvais sort était de se rendre vers l'Est aussi loin que possible, au Bout-du-Monde, et d'y laisser un des membres de l'équipage, un volontaire pour se rendre au-delà, vers le pays d'Aslan.


Cette synchronicité m'a impressionnée à cause des similitudes entre ces deux événements, situés dans des contextes diamétralement opposés. Et aussi bien sûr parce que la nourriture, réelle ou symbolique, a toujours été pour moi quelque chose d'important: un refuge, un réconfort, un dilemme aussi.


Cette même journée du 7 avril, en ouvrant ma boîte de courriels, j'ai trouvé comme tous les matins un message du site Expressio.fr. L'expression du jour était "A bouche que veux-tu". De plus, quelques jours plus tard, en repensant à tout ça, j'ai eu cette image mentale: un chaudron noir est tombé par terre bruyamment, et quand on l'a ramassé, il était devenu tout doré. Opération transformation! C'est la grâce que je me souhaite!


Michelle
1er mai 2011