samedi 17 novembre 2012

Chemins de ma vie

Boulevard Desaulniers à Longueuil, 8 octobre 2012


Moi et ma soeur Louise avions trouvé, quand nous étions enfants, un chemin secret pour nous rendre à l'école, qui se trouvait à 1 km de chez nous.  Un raccourci disions-nous, mais ce qui nous donnait cette impression, c'est que nous y trouvions l'aventure ... oh rien de sensationnel, mais par exemple, il y avait un chien qui nous faisait peur, des flaques de glace à briser en hiver, de la verdure en été ... je m'en souviens vaguement à vrai dire mais je me souviens du sentiment qui nous animait, d'avoir notre chemin à nous, d'où nous sortions avec mille précautions pour ne pas vendre la mèche, pour garder le secret.  En fait, c'était une ruelle derrière les terrains.  Je suis revenue dernièrement habiter dans ce quartier.  Louise et moi nous avons cherché ce chemin resté vibrant dans nos souvenirs, mais il avait disparu.  Cet espace n'existe plus, absorbé par les terrains avoisinants. 

Il y avait aussi près de chez nous le chemin de fer.  Quand nous allions à l'église ou à l'école, nous devions traverser ce chemin surélevé où passaient les trains, ce qui devenait parfois périlleux en hiver quand la glace recouvrait cette élévation de terrain.  Je me souviens surtout avoir rencontré cette difficulté en me rendant à l'église pour assister à la messe le dimanche matin.  Dans ce temps-là et après, j'ai fait plusieurs fois ce rêve:  j'étais immobilisée sur les rails, incapable d'en descendre.  C'était la nuit et je voyais la forte lumière d'une locomotive au loin qui venait dans ma direction.  La panique s'emparait de moi.  Plus tard, en y repensant, je me suis dit que ce cauchemar symbolisait l'écartèlement que je vivais entre la sexualité d'une part, ma libido, représentée par la puissance de la locomotive, et d'autre part la spiritualité, représentée par l'église.  La sexualité nous était présentée comme le péché par excellence, qui pouvait nous faire perdre notre âme.  J'étais littéralement torturée mentalement à cet âge-là par la peur du péché mortel et de l'enfer.  Un jeune prêtre m'avait même dit à l'âge de 11 ans environ que j'avais perdu mon âme, après que je lui aie confessé m'être touchée.  Je me vois encore en profonde réflexion de retour à mon banc ... et ma conclusion: c'est impossible!

Plusieurs années plus tard, mon dilemme a trouvé sa solution.  A 19 ans, j'ai quitté rituels et croyances religieuses de mon enfance pour chercher, à travers la lecture surtout, de nouvelles avenues où spiritualité et sexualité n'étaient pas en conflit.  Le chemin de fer a été démantelé, le terrain aplani.  On trouve maintenant au milieu du boulevard un chemin piétonnier et cyclable, du gazon et des arbres de chaque côté.  C'est un chemin paisible où il fait bon se promener.  (Voir photo ci-haut)

Ces deux chemins représentent bien symboliquement le parcours de ma vie.  Comme le chemin secret de mon enfance, mon aventure intérieure parsemée de points de repère sur lesquels je me penche avec intérêt et curiosité m'a toujours nourrie.  Ce qui m'a aidée à supporter d'autre part les événements pénibles et les temps morts.  Un lien de confiance s'est établi entre moi et la Vie.   La peur est toujours présente, mais elle a sa raison d'être.  Elle fait partie du mystérieux sentier découvert par une enfant au seuil de sa vie.  Sentier qui au fil du temps l'a guidée vers l'adulte que je suis aujourd'hui.

Michelle
17 novembre 2012