vendredi 19 juin 2009

Les symboles

Le Dictionnaire des symboles, de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (aux éditions Laffont) est un de mes trésors: un guide intéressant et enrichissant du monde symbolique, qui m'a bien souvent aidée dans la compréhension de mes rêves, images psychiques, mais aussi m'a apporté maintes informations sur la mythologie ancienne et contemporaine. L'introduction de ce livre, écrite par Jean Chevalier, est presque un livre complet en soi. En voici quelques extraits:

"Les symboles connaissent aujourd'hui une faveur nouvelle. L'imagination n'est plus vilipendée comme la folle du logis. Elle est réhabilitée, soeur jumelle de la raison, comme l'inspiratrice des découvertes et du progrès. Cette faveur est due en grande partie aux anticipations de la fiction que la science vérifie peu à peu, aux effets du règne actuel de l'image que les sociologues essaient de mesurer, aux interprétations modernes des mythes anciens et à la naissance de mythes modernes, aux lucides explorations de la psychanalyse. Les symboles sont au centre, ils sont le coeur de cette vie imaginative. Ils révèlent les secrets de l'inconscient, conduisent aux ressorts les plus cachés de l'action, ouvrent l'esprit sur l'inconnu et l'infini."

"A longueur de jour et de nuit, dans son langage, ses gestes ou ses rêves, qu'il s'en aperçoive ou non, chacun de nous utilise les symboles. Ils donnent un visage aux désirs, ils incitent à telle entreprise, ils modèlent un comportement, ils amorcent succès ou échecs." "Des travaux récents, et de plus en plus nombreux, éclairent les structures de l'imaginaire et la fonction symbolisante de l'imagination. On ne peut plus méconnaître aujourd'hui des réalités aussi agissantes. Toutes les sciences de l'homme, comme les arts et toutes les techniques qui en procèdent, rencontrent des symboles sur leur chemin. Elles doivent conjuguer leurs efforts pour déchiffrer les énigmes qu'ils posent; elles s'associent pour mobiliser l'énergie qu'ils détiennent condensée. C'est trop peu de dire que nous vivons dans un monde de symboles, un monde de symboles vit en nous. L'expression symbolique traduit l'effort de l'homme pour déchiffrer et maîtriser un destin qui lui échappe à travers les obscurités qui l'entourent."

"Bien loin d'être faculté de former des images, l'imagination est puissance dynamique qui déforme les copies pragmatiques fournies par la perception et ce dynamisme réformateur des sensations devient le fondement de la vie psychique tout entière. On peut dire que le symbole possède plus qu'un sens artificiellement donné, mais détient un essentiel et spontané pouvoir de retentissement. Dans la "Poétique de l'espace", G. Bachelard précise ce point: le retentissement nous appelle à un approfondissement de notre propre existence... il opère un virement d'être." Le symbole est véritablement novateur. Il ne se contente pas de rpovoquer des résonances, il appelle une transformation en profondeur..."

"Pour C.G. Jung, le symbole n'est, certes, ni une allégorie, ni un simple signe, mais plutôt une image propre à désigner le mieux possible la nature obscurément soupçonnée de l'Esprit. Rappelons que, dans le vocabulaire de l'analyste, l'esprit englobe le conscient et l'inconscient, concentre les productions religieuses et éthiques, créatrices et esthétiques de l'homme, colore toutes les activités intellectuelles, imaginatives, émotives de l'individu, s'oppose en tant que principe formateur à la nature biologique et maintient en constant éveil cette tension des contraires qui est à la base de notre vie psychique."

"R. de Becker a bien résumé les différents aspects du symbole: "Le symbole peut être comparé à un cristal restituant différemment la lumière selon la facette qui la reçoit. Et on peut encore dire qu'il est un être vivant, une parcelle de notre être en mouvement et en transformation. De sorte qu'à le contempler, à le saisir comme objet de méditation, on contemple aussi la propre trajectoire qu'on s'apprête à suivre, on saisit la direction du mouvement dans lequel l'être est emporté."

"Le symbolisme est ue donnée immédiate de la conscience totale, affirme Mircea Eliade, c'est-à-dire de l'homme qui se découvre comme tel, de l'homme qui prend conscience de sa position dans l'univers; ces découvertes primordiales sont liées de façon si organique à son drame que le même symbolisme détermine aussi bien l'activité de son subsconscient que les plus nobles expressions de la vie spirituelle."

"La perception du symbole exclut donc l'attitude du simple spectateur, elle exige une participation d'acteur. Le symbole n'existe qu'au plan du sujet, mais sur la base du plan de l'objet. Attitudes et perceptions subjectives font appel à une expérience sensible et non à une conceptualisation. Le propre du symbole est de rester indéfiniment suggestif: chacun y voit ce que sa puissance visuelle lui permet de percevoir. Faute de pénétration, rien de profond n'est perçu."

"L'analyse qui fragmente et pulvérise est impuissante à saisir la richesse du symbole; l'intuition n'y parvient pas toujours; elle doit être éminemment synthétique et sympathique, c'est-à-dire, partager et éprouver une certaine visioin du monde. Car le symbole a pour privilège de concentrer sur la réalité de départ, lune, taureau, lotus, flèche, toutes les forces évoquées par cette image et par ses analogues, à tous les plans du cosmos et à tous les niveaux de la conscience. Chaque symbole est un microcosme, un monde total." "Le symbole, pluridimensionnel, est susceptible d'un nombre infini de dimensions."

"Le symbole exprime le monde perçu et vécu tel que l'éprouve le sujet, non pas selon sa raison critique et au niveau de sa conscience, mais selon tout son psychisme: affectif et représentatif, principalement au niveau de l'inconscient. Il n'est donc pas un simple artifice plaisant ou pittoresque, mais une réalité vivante qui détient un pouvoir réel en vertu de la loi de participation. Il se substitue à la relation du moi avec son milieu, sa situation, ou avec lui-même, quand cette relation n'est pas assumée en pleine connaissance de cause. Mais ce qu'il tend à suggérer ce n'est pas seulement, selon l'école freudienne, l'objet d'un refoulement, c'est, selon la pensée de Jung, le sens d'une recherche et la réponse d'une intuition incontrôlable. La fonction originale des symboles est précisément cette révélation existentielle de l'homme à lui-même, à travers une expérience cosmologique, dans laquelle nous pouvons inclure toute son expérience personnelle et sociale."

"C'est le monde qui parle par le symbole, écrit C.G. Jung. Plus le symbole est archaïque et profond..., plus il devient collectif et universel." "Le symbolisme n'est pas logique... Il est pulsion vitale, reconnaissance instinctive; c'est une expérience du sujet total, qui naît à son propre drame par le jeu insaisissable et complexe des innombrables lien qui tissent son devenir en même temps que celui de l'univers à qui il appartient et auquel il emprunte la matière de toutes ses re-connaissances."

Et cette remarquable introduction au Dictionnaires des symboles se termine ainsi:

"Et maintenant, pour reprendre les mots de Marthe Arnould, allons chercher les clefs des beaux chemins... Au-delà des apparences, allons chercher la vérité, la joie, le sens caché et sacré de tout ce qui est sur cette terre enchanteresse et terrible... C'est la voie du devenir..."

1 commentaire:

  1. Waouu ! Très belles citations ! Quelle ne fut pas ma surprise de voir le nom d'Alain Gheerbrant apparaître ici. Imagine-toi donc que c'est un des premiers auteurs que j'ai lu comme jeune achetant ses propres livres ! c'était «L'Expédition Orénoque-Amazone» un livre qui m'a fait rêver éveillé pendant des semaines ! Un symbole de danger, de risque mais en même temps de beauté de ce coin du monde alors isolé et magique. Je suis très heureux de le retrouver sur ton blogue !
    L'étymologie est une chose: « du latin classique symbolus « signe de reconnaissance », grec sumbolon « objet coupé en deux (tesson) constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler (sumballein) les deux morceaux » [Grand Robert de la langue française], l'étude et la science ont mené ce concept tellement plus loin que l'original !
    ■ paumier.

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