La pensée symbolique, de Jean Desclos
« La hantise de l’explication claire procède d’un besoin de tout définir, d’inscrire le réel dans des frontières et des systèmes préétablis. Nous aimons les notions simples, les vérités définissantes et définitives, celles qui épousent l’architecture bien réglée des horloges redonnant au même rythme, sans surprise, les mêmes heures jour après jour. Nous sommes adeptes des formules toutes faites, des réponses apaisantes. Il n’est pas si facile de consentir à l’impensé, à l’ambigu, à l’incertain, voire à l’inutile.
Or, le symbole nous entraîne dans cette direction, à bonne distance de l’hyper-rationnel et du déterminisme, vers le méta-rationnel, le monde plus insaisissable qui est à la marge du langage simple, dépassant le fait de nommer les choses telles que vues, pour exprimer les choses telles que senties, inscrivant dans le rapport au monde une intelligence seconde et plus libre, le mot intelligence référant ici à cette activité qui consiste à lire-dedans le réel, à le saisir par en dedans, à s’y glisser dans toute sa richesse singulière et dans toute sa force d’évocation de l’universel. »
« L’histoire des sociétés et des religions nous instruit de l’omniprésence du symbole dans la vie de l’humanité. Comme l’air invisible et indispensable à notre survie, le Symbole nous imprègne, nous inspire et nous fait respirer, nous enveloppe et nous définit. L’être humain est un animal symbolique, façonné par les symboles bien plus qu’il ne les façonne. Le symbole est un bien donné, transmis, hérité… Il est donné dans un héritage qui nous est commun, en humanité, et par lequel nous continuons, inlassablement, de tisser les fils d’une longue histoire … le symbole, bien enraciné dans les éléments visibles du monde et les processus de la perception des humains, peut se vanter d’être le premier instrument de la mondialisation, en tout cas celle de la culture. »
« Le symbole donne, pour ainsi dire gratuitement, spontanément, sans effort ; il est source. Il donne à penser et provoque à l’effort d’interprétation. Il est donateur de sens dans la transparence opaque de l’énigme. En ce sens, il libère la pensée en la laissant aller à la rencontre des affects, des émotions, des intuitions. »
« … seul le cadre symbolique de l’expérience humaine peut en assurer la totale vitalité et liberté. Car le symbole donne également à vivre. Il provoque à chercher le sens, à se mettre au diapason de l’Autre puisque, en sa face première, tout symbole est relation.
Et cette relation construit le sens, le symbole faisant partie d’une architecture de sens dans laquelle chacun peut entrer comme dans une maison à la fois bien construite et toujours en construction, comme si le cerveau humain réussissait à capter les éléments positifs associés au symbole, pour en tirer le maximum de messages pour son développement, pour sa sécurité affective, pour sa vie. Parce que le flou symbolique laisse place à toute interprétation, le sujet s’y investit avec toute sa charge spirituelle ou éthique, pour trouver dans le mythos un logos riche, plus riche que le seul sujet lui-même.
Comprendre que le symbole donne à penser, c’est laisser entendre qu’il renvoie à l’herméneute qui l’entend ou le perçoit pour activer en lui sa capacité de se déplacer en direction d’autre que soi. Il l’entraîne à se penser dans le symbole, à s’introduire dedans, mais aussi à se laisser bousculer par lui, comme en un mouvement dynamique. S’il donne à penser, il donne à être pleinement. Le symbole fait danser l’esprit. Autant que c’est l’esprit qui fait danser le symbole. En son profil cosmique, selon la critériologie ricœurienne, dans le symbole « la manifestation par la chose est comme la condensation d’un discours infini » (Paul Ricoeur) : le jeu symbolique se prête à une infinité de possibles et fait éclater l’éternité dans le temps, il est « pont entre le visible et l’invisible, le temporel et l’éternel. » Et cette relation construit le sens, le symbole faisant partie d’une architecture de sens dans laquelle chacun peut entrer comme dans une maison à la fois bien construite et toujours en construction, comme si le cerveau humain réussissait à capter les éléments positifs associés au symbole, pour en tirer le maximum de messages pour son développement, pour sa sécurité affective, pour sa vie. Parce que le flou symbolique laisse place à toute interprétation, le sujet s’y investit avec toute sa charge spirituelle ou éthique, pour trouver dans le mythos un logos riche, plus riche que le seul sujet lui-même.
« Le symbole est un messager de créativité ; il m’invite à devenir le poète de ma propre vie, du rayonnement à l’infini de mon univers singulier. »
Pour lire le chapitre au complet:
http://www.saintcharlesgarnier.org/conference/09-conf-penseesymb.html
Bonjour Michelle,
RépondreSupprimerJe découvre ton nouveau billet après avoir noté chez Jean Bissur (Autour de Carl) un commentaire à propos des images impersonnelles dont parle Jung (« Notre santé psychique et spirituelle dépend de la coopération des images impersonnelles.»). Je me disais en l'écrivant qu'il faudrait parler plus précisément du symbole, mais je ne l'ai pas fait. Je donc suis ravi de le retrouver chez toi, peu après, et de lire cet extrait que tu proposes.
Merci à toi !
Amezeg
Merci Michelle pour ce partage enrichissant...effectivement un bon écho à ce que mentionne Amezeg.
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