Jung écrit, dans "La vie symbolique - Psychologie et vie religieuse": "... le fait de se considérer lui-même comme la source du mal et de s'en tenir à l'idée que tout bien procède de Dieu est pour l'homme de la plus grande, de la plus vitale importance. Qu'il le sache ou non, cela l'emplit d'une part de présumption et d'un orgueil satanique, d'autre part, d'un sentiment d'infériorité abyssal. Si au contraire il impute à la divinité la formidable puissance des opposés, alors il peut prendre sa modeste place de petite image de la divinité; image non pas de Jahvé, dans lequel les opposés sont inconscients, mais d'une quaternité composée des principes opposés: masculin et féminin, bien et mal, et qui se reflète dans la conscience humaine, comme le montrent l'expérience psychologique et les preuves fournies par l'histoire."
Bon sujet de réflexion! Notre éducation religieuse s'est faite autour de ce monstrueux malentendu. Le bien nous vient de Dieu et nous sommes responsables du mal ... Je suis imprégnée de cette idée. Les sentiments de culpabilité ont considérablement altéré ma joie de vivre, et ce depuis mon enfance. Quand nous étions enfants, à partir de l'âge de 7 ans, nous devions aller nous confesser, et avant, on nous faisait parfois faire un examen de conscience: penser à nos péchés. Examiner notre conscience aurait pu aussi vouloir dire: penser à ce que nous faisions de bien, et même simplement prendre conscience de nos qualités. Mais non, il fallait s'humilier en pensant à ce qu'on avait fait de mal, qui ne changeait pas d'un mois à l'autre, les mêmes petits manquements dans la vie d'un enfant. C'est grave de faire croire à notre responsabilité vis à vis du mal mais pas du bien, du moins de façon détournée, le bien n'ayant la chance de s'épanouir en nous que si nous pouvions contrôler le mal.
Le sentiment de culpabilité est comme une démangeaison, une douleur qui nous empêche de ressentir la paix, qui est, comme le bien, silencieuse et discrète. Jung parle de l'écharde dans la chair, l'épreuve qui ne nous laisse pas en paix. Cette écharde est d'autant plus douloureuse si on pense en être responsable: mea culpa. Bien sûr, il est important de prendre conscience de nos défauts et de nos difficultés, mais il n'y a pas qu'une façon d'y faire face. On peut se torturer l'esprit, alors on tourne en rond autour du problème jusqu'à ce qu'on s'étouffe, au bout de la corde qui nous limite. Ou on peut le voir d'un autre point de vue, plus constructif, qui dépend de chacun et de chaque circonstance.
Les jours suivants, j'ai eu beaucoup d'occasions de repenser à cette opposition bien/mal.
Je suis "tombée" sur une citation de Goethe:
"Nous pouvons connaître le monde aussi bien que nous le voulons; il gardera toujours une face diurne et une face nocturne."
Sur mon calendrier 365 jours qui explique à chaque jour une expression, en date du 7 août: Mi-figue, mi-raisin, qui à l'origine voulait dire qu'une personne avait à la fois du bon et du mauvais en elle.
Et surtout je suis allée voir le nouveau film "Cowboy et aliens" avec Harrison Ford, alors que la veille j'avais regardé le dernier Indiana Jones. Dans les deux films, on peut voir à la fin un vaisseau spatial qui était presque complètement enterré sortir de terre pour s'élancer dans les airs avec des extra-terrestres à leur bord. Mais dans Indiana Jones, il y avait eu fusion de 13 squelettes avec des crânes de cristal, ce qui avait formé un être complet, un être puissant avec des pouvoirs immenses, et puis le vaisseau s'envolait. Dans "Cowboys et aliens", il s'agit d'extra-terrestres rapaces qui sont venus chercher de l'or et traitent les humains comme de vulgaires fourmis, quantité négligeable.
Dans le premier, les humains combattent pour arriver les premiers au trésor des extra-terrestres. Dans le deuxième, les humains s'unissent pour détruire les aliens et les empêcher d'emporter leur propre trésor (filon d'or et aussi des humains faits prisonniers). Je vais limiter les détails, pour ceux qui n'ont pas encore vu "Cowboys et aliens". J'ai fait un parallèle entre les deux films.
Au niveau cosmique, spiritualité vs rapacité.
Au niveau humain, unité vs égocentrisme.
Au niveau humain, unité vs égocentrisme.
Formidable synchronicité sur le bien vs le mal.
Pour résumer et pour conclure, je cite Frédéric Nietzsche: "Ce qu'on fait par amour l'est toujours par delà le bien et le mal."
Michelle
Bonjour,
RépondreSupprimer« Les sentiments de culpabilité ont considérablement altéré ma joie de vivre, et ce depuis mon enfance. » dis-tu, Michelle.
Le verbe altérer, qui a pour sens «changer, transformer, dégrader, rendre autre » et aussi « donner soif » me suggère qu’il me faut me dés-altérer, c’est à dire : me retrouver, ne plus être un autre, ceci en buvant à la source de ma réalité la plus profonde. Le péché véritable est sans doute de me prendre pour un autre que celui que je suis en essence. Et celui-là, modeste reflet individuel de la Totalité, contient en lui, comme le dit Jung, les opposés. L’identification à mon moi superficiel marqué par le mental, par les pensées, par les jugements d’ordre moral ou philosophiques que j’ai pu adopter au fil de mon parcours, etc..., est une altération de ma réalité essentielle. J’ai soif d’être ce que je suis essentiellement. C’est un programme qui ne figure pas parmi ceux que proposent nos écoles, nos universités, nos pratiques confessionnelles trop étroites... mais que propose, par exemple, l’école de nos rêves recueillis et médités.
Je signe ici puisque j'ai oublié de le faire juste au-dessus.
RépondreSupprimerAmezeg :-)
Merci Amezeg,
RépondreSupprimerJ'adore ta suggestion de se dés-altérer. Malheureusement, non, aucun programme scolaire ne donne aucune piste pour devenir soi. Pourtant, ce n'est pas si sorcier. Il s'agit d'abord d'y croire, et de suivre notre chemin intérieur, à nul autre pareil. Il n'y a pas de plus belle aventure!
Bise amicale,
Michelle
Merci pour ton billet et votre échange enrichissant.
RépondreSupprimerBelle aventure, certes, mais que de sacrifices nécessaires...
Amitiés,
Jean
Merci, Michèle,pour ce billet très intéressant. Tout ce qui parle de la nécessité des opposés me passionne.
RépondreSupprimermerci pour ce billet...qui m'a fait "re penser" à ma culpabilité et à mon droit de ne pas m'autoriser... à vivre en sérénité.. d'avoir des plaisirs et à d'être heureuse...je dois me regarder avec amour...catherine
RépondreSupprimerTon billet m'intéresse énormément, Michelle, car c'est un sujet qui m'a longtemps tracassée, au point que j'en ai rêvé !
RépondreSupprimerOui, Dieu ne "peut" pas être le Bien et nous le Mal (ou du moins ceux qui apportent le mal) puisque nous faisons partie de sa création et que nous ne pouvons apporter un "mal" qu'il n'y aurait pas mis au départ !
Dieu créateur est donc "union des opposés" tandis que nous, nous n'introduisons pas le mal, mais sans doute la "dualité" (c'est-à-dire la séparation entre les opposés) !
Sans doute, le "mal" a-t-il un rôle important à jouer dans l'histoire du monde, rôle, que du haut de nos statures de "petits humains" , nous avons du "mal" à percevoir ! ;-)
Jésus conseillait d'ailleurs de laisser pousser le blé et l'ivraie ensemble et de ne pas essayer à tout prix d'arracher cette dernière ...
Ce qui est sans doute "mauvais" dans la confession (outre le fait de développer la culpabilité) , c'est de fixer l'attention sur ce qui ne va pas et de lui donner plus d'importance encore, plus de puissance. Le fait de se concentrer sur ce qu'on fait de "bien" aurait sans nul doute un effet beaucoup plus positif...car ce sur quoi on se concentre grandit et s'accroît...
Quant aux deux films, je trouve cela également très intéressant, mais le commentaire m'entraînerait un peu trop loin...je vais m'arrêter là pour l'instant !
Bonne soirée à toi, Michelle....
C'est, je crois, une des contributions majeures de Jung de nous avoir montré que dieu lui-même porte en lui et crée le mal mais il crée aussi le bien et ce qu'il crée, nous possiblement, portons en nous aussi les deux. J'ajoute que le mal dépend aussi de la définition qu'on en donne et qui diffère d'une culture à l'autre. Merci pour ce bille ! :-)
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