dimanche 2 mai 2010

Le petit bonhomme et l'Arbre


Il était une fois un très grand Arbre, un Arbre immense au Centre du Monde. Il était bien au Centre du Monde, oui, au carrefour des mille routes. Cet Arbre immense, on peut lui mettre un A majuscule, premièrement à cause de son âge vénérable, mais surtout parce que, à lui seul, il représentait tous les arbres, il était leur prototype. C'était un Arbre très vivant de bas en haut. Il avait été planté au début du Temps par Dieu pour donner à tous les hommes l'espoir de rejoindre le ciel un jour. Au bas de son tronc vivaient des centaines de petits animaux qui se réfugiaient dans ses racines-refuges. Tout au long de son Etre, des oiseaux venaient se percher sur ses branches hospitalières. Et là-haut, tout là-haut, l'Arbre si grand continuait à grandir, bien sûr. Jamais on n'en avait vu d'aussi grand, sauf au pays des légendes. Là-haut, ses plus hautes branches et sa cime saluaient en vibrant Dieu et les Anges en train de s'activer. Ils étaient là, bien qu'invisibles de la terre puisqu'ils étaient si haut. Ils étaient près de la cime, toujours, espérant qu'un de ces jours, un moyen soit trouvé de se servir de l'Arbre pour communiquer. Car n'est-ce pas sa mission, à cet Arbre, d'être un instrument divin permettant la communication entre Dieu et les hommes! Sans Lui, il n'y aurait plus de repère, l'axe du monde coupé, reviendrait le chaos.

Il était une fois, un petit, très petit bonhomme. Il n'avait pas de nom car il n'était qu'un signe hiéroglyphique sur un document très ancien qu'on nommait parchemin. Ce petit bonhomme, figé depuis des années dans une même posture, un jour, il lui a été donnée la chance de remuer à sa guise. Nommons-le Georges pour le nommer du nom d'un valeureux guerrier. Georges était si heureux d'être délivré, de pouvoir enfin bouger! Dieu avait enfin permis qu'il devienne vivant, pour accomplir un dessein quelque peu troublant. Car c'est à lui qu'est échue la mission de grimper à l'Arbre cosmique pour ainsi perpétuer l'Acte du commencement, où un héros divin parvenait à y grimper pour ne jamais en revenir. Lui, Georges, devait en redescendre pour annoncer la bonne nouvelle que Dieu ne manquerait pas de lui communiquer.

Brave petit Georges, qui avait été si figé, se mit en route sans plus tarder vers l'Arbre non loin de là. Il se mit ensuite à y grimper. C'était assez facile, il était si petit, mais il fallait s'agripper pour ne pas retomber. Il grimpa, grimpa, grimpa, devint invisible aux yeux de tous, en haut ou en bas. Mais il était bien là. Il se nourrissait en chemin de toutes sortes de fruits poussés là, il buvait de temps à autre de la sève prélevée à des petites branches. Cette sève était tantôt rouge, tantôt verte, tantôt bleue. Comme c'était curieux! Bien sûr l'Arbre était polyvalent, il résumait toutes les espèces végétales sur terre et même au-delà. Le petit Georges ne s'embêtait pas. Il grimpait, grimpait, et ça faisait déjà très longtemps, une éternité. Ce petit bonhomme anonyme ne se lassait pas, car il n'était pas humain, la fatigue ne le minait pas. Qui jadis l'avait créé dans le noble but de communiquer? Un message en images, c'est un message universel, et un bonhomme, ça se comprend bien. Mais il ne parlait pas, bien sûr. Un bonhomme ça parle en Soi, ça veut dire homme, simplement. Pour parler il lui faut tout son environnement hiéroglyphique, assurément. Alors, il s'inquiétait un peu. Comment le grand Dieu pourrait-il lui confier un secret puisqu'il ne parlait pas. Mais courageusement, il continua...

Un jour, au bout d'une ou deux éternités, notre petit bonhomme enfin atteignit la cime et bien que celle-ci continuât à pousser bien sûr, il parvint à se camper tout au bout! Sa vision, de là-haut, s'émerveillait d'englober l'Univers. Il était campé à cet endroit où on peut réaliser que ce qui est en-haut est comme ce qui est en bas. Comment savoir ce que le grand Dieu lui a dit, au petit Georges venu ainsi en mission vers Lui. C'est un secret bien gardé, qui ne sera jamais profané. Il vécut un bout de temps avec ces hautes entités des Cieux. Puis il redescendit par le même chemin, tout au long de l'écorce du grand Arbre. Il ne fut pas plus connu des humains, mais quelque chose avait changé dans les relations entre la terre et les divinités. Et Georges en avait le crédit tout entier!

Mes commentaires

Georges: Il représente le genre humain tout entier, sans distinction de race ni de langue surtout. Petit bonhomme très âgé, sans particularités, sinon d'être un être vivant, humain, terrien (t'es rien), et qui, bien qu'âgé, ne vieillit pas. Et ne mourra pas avant... une éternité. J'ai vu en image mentale quelques signes, quelques hiéroglyphes. Dans une seconde image, j'ai vu un petit bonhomme (aussi hiéroglyphe) se mettre à bouger. Représentation de l'homme tout entier, il se met à bouger, il se met à vivre! Qu'est-ce à dire?

Le prénom Georges, ça me fait toujours penser aux articles de Sélection du Reader's Digest: Le nez de Georges, l'intestin de Georges, etc. Et une phrase m'est venue à l'esprit: "La vie de Georges". Cet être qui sans être réellement se retrouverait vivant, comme le petit bonhomme! Le petit bonhomme est un prototype du commun des mortels. Alors que Dieu, tel que vu par l'homme, est un prototype de l'Homme déifié, une image idéale de ce que l'homme est appelé à être au bout de son périple de mortel, quand il sera enfin sorti de son enfance et que son esprit s'ouvrira enfin aux vibrations de l'univers. Entre les deux, il y a tout un monde, déchiré, attendant trop passivement l'éternité. Dieu et le diable son éternels. Le diable s'ingénie à garder l'homme dans l'enfance, en perpétuant en lui la peur, l'anxiété et la non-confiance en soi, ou il attise son orgueil et l'empêche d'en sortir.

L'arbre cosmique: prototype géant de tous les arbres, surtout les grands, les gros arbres. Dans certaines cosmogonies, il représente le lien entre l'homme et Dieu, entre le ciel et la terre. Il pousse, pousse ses branches de plus en plus loin dans le ciel et il pousse, pousse ses racines, de plus en plus loin dans la terre. Il est un exemple pour nous tous par sa ténacité, cette impulsion constante qui l'anime sans faiblir, sans compter, sans rien attendre en retour. L'homme gémit sur son sort sans cesse ou il se glorifie sans cesse, dans les deux cas, ça l'empêche de grandir et d'atteindre enfin son Dieu.

Le petit bonhomme de mon histoire, si anonyme, est forcément humble puisqu'il n'est pas un individu séparé mais une représentation de l'Homme en général. Il ne peut ainsi avoir l'orgueil d'être ce qu'il est. Ce petit bonhomme anonyme peut devenir vivant puisqu'il représente, en général, l'humanité... vraiment vivant je veux dire, comme la nature, vibrant d'une entière harmonie au diapason de l'univers qui l'entoure. Il est un axe cosmique, lui aussi, lien entre les hommes et leur Dieu.
Michelle
3 août 2000
P.S. Petite synchronicité. J'apprends que c'est aujourd'hui l'anniversaire de George Moustaki, né le 3 août 1934, et je retrouve cette belle chanson "Les mille routes" (comme mon Arbre qui est au carrefour des mille routes; bien sûr, l'expression m'est venue de cette chanson)

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