samedi 23 mai 2009

Le taoïsme


Tiré du livre "Un torrent de silence" de Placide Gaboury

Extraits de l'introduction au chapitre sur le Taoïsme.
J'ai une particulière attirance pour cette philosophie, si naturelle!
Michelle

C'est toujours avec une certaine modestie que l'on aborde le Taoïsme. De tous les textes spirituels que je connais, je pense que peu atteignent en grandeur et en pureté le Tao Te King, dont le sens est à peu près: Le livre de la Voie et de Sa Potentialité (Te: potentialité, simplicité, semence). Cet ouvrage, attribué au vieux sage Lao Tseu (qui veut dire le vieux), échappe à tout commentaire, à toute explication intellectuelle. Il n'y a pas de place pour la raison calculatrice et catégorisante. Tout a la nudité et la simplicité d'une fleur; tout a la sagesse et l'incorruptibilité d'un vieux paysan. C'est de tous les livres le moins entaché de religion, c'est-à-dire de tout appareil organisationnel, dogmatique, hiérarchique et ritualiste. Pas de place non plus pour les Pouvoirs ni leurs pièges illusoires; pour des prescription obligatoires ou des clergés. Pas de place pour la petitesse humaine. Rien d'inutile ou de facile, seulement l'indispensable: ce qui reste. Tout y est transparent et originel comme l'eau de source. Il s'agit de laisser couler la source. Il s'agit de s'abandonner sans refus, de se laisser mener par la force du courant (qui est en même temps nous-mêmes), sans résister par l'analyse, par les prises mentales, par les doutes intellectuels qui paralysent le mouvement, par la passion possessive qui veut s'accrocher aux rives. C'est la sagesse du corps, qui connaît le chemin même de nuit, c'est l'intelligence des organes, la connaissance innée et intérieure du Grand Tout (que chacun contient, est ou devient) qui aménage, harmonise et inspire toutes ses parties comme une mère entoure et comprend ses petits.
Le mot Tao est intraduisible. Mais les sens qu'on lui donne habituellement ont la richesse de deux autres mots parallèles - Dharma et Logos. En effet, le Tao - voie, direction, manière, doctrine, principe, ordre, sagesse, totalité, état-sans-ego, spontanéité -, rappelle un peu le contenu du mot Dharma (loi, ordre, ensemble, religion, devoir, harmonie), de même que la compréhension de Logos, qui est habituellement traduit par Verbe ou Raison, mais qui contient une polyphonie de significations: promesse, ordre, cause, fin, sens, valeur, proportion, pattern, harmonie.

Le Tao, c'est la manière dont agissent ceux qui veulent faire sans agir. Un des mots-clés du Taoîsme est en effet wu-wei, qui signifie non-agir. Ce n'est pas l'inaction, la paresse ou l'indifférence stérile, mais le consentement à ce qui se présente, l'acceptation d'entrer de plein gré dans la danse des choses, de couler avec elles, sans s'y opposer, sans y opposer de volonté propre. C'est n'avoir aucun programme individuel allant à l'encontre du dessein universel. Ainsi, l'eau est-elle le symbole du Tao et le terrain privilégié du wu-wei; le roseau qui plie sous le courant mais ne brise pas en est l'image-clé. Le wu-wei est l'opposé de toute forme de domination. Mais ce n'est pas non plus l'attitude de celui qui suit sans comprendre ou qui plie comme un esclave; c'est le coeur de celui qui se fie à une sagesse plus grande et refuse de se croire important ou de se prendre au sérieux. (...) Le Tao peut être symbolisé par le bloc de pierre ou de bois inentamé, demeuré vierge et dans sa forme originelle. C'est l'état de la soie avant son blanchiment. Voilà la situation de l'homme originel, qui est inentamé par le temps, libre de la naissance et de la mort. Il n'est pas limité en étant seulement telle ou telle chose; il n'a pas de nom car il est toutes choses.

Le Tao est omniprésent. C'est pourquoi il est innommable; on s'y trouve immergé, on en est saturé, imprégné, comme une éponge par l'eau ou comme l'oxygène ou les protéines pénétrant notre corps. Le Tao, c'est nous-mêmes, la texture de notre être, le silence au coeur de nos atomes, la magie des cellules, la musique des liquides dansant dans les vaisseaux du corps, le vide de notre esprit lorsqu'il est sans pensée, la plénitude de notre coeur lorsque l'esprit s'y est perdu. Toute matière en est pleine. C'est ce qui est. C'est un autre mot pour l'être. Il n'y a pas de degrés d'être, seulement de l'être; pas de distinction entre fumier et prince, seulement de l'être. Pas de réalité extérieure favorisée, privilégiée, préférée; pas de nom, pas de catégorie, pas d'étiquette. Juste des choses en train d'être. Et cependant, ce n'est pas une chose connaissable en dehors de nous. Ce n'est qu'en devenant Tao qu'on le comprend, en y étant compris. Le Tao, c'est les choses, les êtres et les vies laissés à eux-mêmes. C'est le monde déjà parfait en-deça et au-delà de nos peurs et désirs; c'est le oui de chaleur qui fait fondre et couler nos fixations.

Le Tao, c'est la nature retrouvée. Personne mieux que l'homme du Tao - appelé le Saint-Homme - n'a conscience des éco-relations. Il est Cellule dans le Corps Universel. Il porte l'Ensemble qui est son environnement.

Placide Gaboury - "Un torrent de silence"

2 commentaires:

  1. Merci Michelle! quelle beau texte pour honorer un dimanche!

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  2. Un texte très important que tu nous apportes là ! Un philosophie que tu me donnes le goût d'approfondir et de m'en laisser imbiber. Merci chère Michelle ! ♥ paumier

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