
Le 19 avril, je vois un champ rectangulaire de terre noire (ou très foncée) qui a l'air tout remué, labouré, prêt pour les semailles. Une voix dit que je sais quoi faire avec ça.
(Il s'agit d'images et paroles hypnopompiques, c'est à dire surgies dans mon esprit dans la phase de réveil partiel qui succède au sommeil)
"En levant les yeux, on contemple, avec son aide, les signes du ciel en une pleine intelligence; en abaissant le regard, on examine les lignes de la terre, on connaît ainsi les conditions de l'obscur et du clair... L'union de la semence et de la puissance opère les choses; l'amollissement de l'âme opère le changement..."
Et à propos de K'ouen, la terre: "Le réceptif de par sa nature est repos. Au moyen du repos ce qu'il y a de plus simple est rendu possible dans l'existence spatiale. Cette simplicité qui naît d'une pure réceptivité est alors le germe de toute multiplicité spatiale."
Il faut l'union de la semence et de la puissance pour opérer les choses. Donc à la question: "Faut-il être semailles?" je réponds: oui! Mais qu'en est-il de l'amputation? Je suis restée sans réponse jusqu'à ce que je relise dans mon cahier et réalise que juste après cette image et ces paroles énigmatiques, je me suis réveillée avec dans la tête une chanson qui me vient de mon enfance. Cette chanson fait partie d'une histoire gravée sur un disque vinyle, que j'ai écoutée et ré-écoutée quand j'étais petite. Il s'agit d'un petit train appelé "Puff'n Toot". Et plus précisément, ce matin-là, c'est la chanson de la vache qui m'est revenue en mémoire: "I'm Moo-Moo the cow..." J'ai cherché sur Internet et j'ai retrouvé ce disque. Quel bonheur! http://www.youtube.com/watch?v=XYpyDolY_qc&feature=related
Puff'n Toot est un petit train qui conduit des enfants vers un camp de vacances. Il est forcé de s'arrêter soudainement, car une vache lui bloque le passage. Couchée sur la voie, elle chante: "I'm Moo-Moo the cow, I eat lots of hay". (Hum! Sans commentaire!) Dans le Yi-King, la vache symbolise la docilité, la soumission et l'humilité. Mais sa passivité est proverbiale et, bien sûr, poussée au maximum, peut se révéler un obstacle à la progression!
La vache, après avoir poussé sa chansonnette, consent à se lever de la voie ferrée pour les laisser passer. Mais voilà qu'un peu plus loin, le petit train doit s'arrêter encore, car son trajet habituel se révèle temporairement impraticable. La seule façon de poursuivre le voyage est de gravir une haute montagne... Oh la la! Puff'n Toot n'a qu'une petite locomotive pas très puissante. Par contre, elle possède un enthousiasme et une persévérance qui compensent sa faiblesse. Premier essai... manqué, on revient tout en bas. Et puis, un élan plus puissant permet enfin à la petite locomotive de franchir cet énorme obstacle, et de conduire finalement les enfants à bon port.
Durant cette étape cruciale, quand j'étais petite, je joignais mes efforts à la petite locomotive, mimant les tentatives de Puff'n Toot pour arriver à franchir cette épreuve qui paraissait insurmontable.
Le semeur est l'intermédiaire entre la terre et le ciel, et les semailles, l'ensemencement, l'action, l'effort consenti pour arriver au résultat. "Faut-il..." me fait penser à une faux... qui sert à moissonner, pas à semer, ni à mutiler! Une jambe coupée empêche d'avancer, du moins complique les choses, en ce qui a trait aux démarches, à la mobilité, à l'autonomie. Dans les commentaires rattachés à l'hexagramme de la terre, on lit ceci: "Le cheval ... symbolise la vaste étendue de la terre. Le terme de "jument" est choisi parce qu'il unit la force et l'agilité du cheval à la douceur et à la soumission de la vache." "L'homme doit posséder la force intérieure, une nature massive et vaste pour être en mesure de supporter le monde sans être influencé par lui."
Je suis le petit train courageux rempli d'enfants vibrants d'énergie, mais je suis aussi la vache couchée sur la voie qui chante un joyeux refrain, mais préfère rester immobile, passive, regarder passer les trains en mâchant du foin et jouir d'une vie tranquille et sans surprises. La peur me coupe les jambes, m'empêche d'avancer, mais je suis semailles sur ma terre remuée!
Je suis le champ de terre labouré, travaillé, depuis tellement d'années, mais le plus important reste à faire. Bien sûr, il faut être semailles, sinon la terre reste vierge... belle, prête, disponible... mais vierge! On me dit que je sais quoi faire avec ce champ, donc rien de neuf sous le soleil. La tâche requiert force et persévérance, et aussi auto-bienveillance!
Ceux qui s'aiment sèment!
Michelle