vendredi 31 juillet 2009

Ti-Jean et le Nifé

Ti-Jean en avait assez de caresser son chat toute la journée; cette vie oisive lui pesait. Il pensa qu’il était temps pour lui de vivre une aventure, advienne que pourra. C’est ainsi qu’un bon matin, il partit sans regret, emmenant le petit animal, qui trotta derrière lui un bout de temps, et un goûter assez consistant qu’il pourrait partager le cas échéant. Ça fait toujours plaisir de donner et ça revient de toute façon, d’une manière ou d’une autre.

Ti-Jean chemina ainsi vers l’ouest, tout droit, traversant des ruisseaux, de belles clairières, mais presque toujours sous les frondaisons de la forêt. Donc, il n’avait pas d’idée, au bout de quelques heures, de l’endroit où il venait d’arriver. Une surprise l’attendait... eh oui! Il rencontra un puits dans cet étrange lieu. Un puits ici? Mais comment est-ce possible? La margelle composait un mur très bas; à vrai dire ce puits semblait servir à des enfants, ou à des nains (ceux de Blanche-Neige peut-être?)

Ti-Jean s’arrêta et s’assit au bord du puits, qui tînt bon malgré son grand âge. Ça faisait très longtemps que le puits attendait Ti-Jean. Il ne pouvait pas le laisser repartir comme ça, alors il lui parla. Il serait plus vrai de dire qu’il s’adressa à ce coeur conscient qui habitait en lui, très profondément. Ti-Jean restait assis, écoutant les rumeurs qui bouillonnaient en lui : Qu’y a t’il donc dans ce puits? En regardant tout en bas, tout ce que je vois, et très loin, ma foi, c’est un petit point rouge éclatant. Mais qu’est-ce que c’est que ce puits aux eaux incandescentes?

Ecoutant son courage, sa volonté et sa grande curiosité, il se mit à descendre : là en-dessous tout en bas, le petit point devint un petit lac. Ti-Jean, tranquillement, descendait. C’était facile, mais très long, ça prenait des précautions. Pas besoin d’échelle, ce puits semblait vivant et des branches portant même quelques feuilles le garnissaient; ses pierres, de différentes grosseurs et disposées judicieusement, permettaient une descente et une ascension sans trop de frictions ni de surfaces trop lisses. Ti-Jean sortit de sa poche une petite lampe, quand il ne vit plus que l’eau rouge tout au fond. Les murs du puits redevinrent visibles, rassurants, avec leurs petites feuilles devenues rouges à cette profondeur.

Quelques heures plus tard, il parvint à un endroit beaucoup plus vaste, creusé dans le roc; le lac rouge était au centre de cette clairière rocheuse étrange, immense, qui l’entourait. Quand ses pieds touchèrent terre, Ti-Jean s’aperçut que sa lampe ne fonctionnait plus. Pourtant, il parvenait à distinguer tous les détails de cette grotte qui semblait lumineuse, d’une coloration fluorescente; différentes teintes se côtoyaient et donnaient à cet endroit une apparence très étrange d’antre de quelques entités surnaturelles. Aucun son, si bien qu’il entendait son propre coeur battre très fort, enfermé mais très vivant, à cet instant. Un étourdissement soudain! L’air est rare ici, tout en bas. Ti-Jean essaie de ne pas avoir peur. Après tout, cet endroit si différent doit avoir des ressources aussi différentes. « Je voulais changer ma routine en aventure, eh bien, voilà!, j’y suis, que faire? En attendant, au bord de l’eau, je m’étends. »

La pierre lui sembla chaude sous son corps fatigué. Ça le surprit d’abord, mais il se dit ensuite qu’il avait descendu si longtemps qu’au lieu de la froideur attendue, il avait trouvé un endroit où la chaleur, doucement diffusée, provenait d’un noyau dont on lui avait parlé à l’école: le coeur de la terre en somme, le centre rougeoyant et en fusion de cette bonne vieille terre qui nous porte sur ses formes rondes. Ce coeur ardent composé de nickel et de fer, on l’a appelé « NIFE » (Ni-Fe).

Qand il comprit cela, Ti-Jean fut très surpris. Il s’endormit doucement dans la chaleur du ventre de la terre qui le portait avec précaution, cet être jeune et si vivant, profondément endormi, détendu et charmant, qu’elle tenait enfin entre ses flancs!

Ti-Jean dormit pendant longtemps. Il rêva d’abstraites formes qui le berçaient et, changeant constamment, lui révélaient des principes inconnus jusqu’à maintenant. Une lourdeur soudaine s’emparait de lui et il sentit l’approche parmi ces formes d’une vague grossissant peu à peu et mugissant dans ses oreilles, une vague très chaude, qui emplit toutes ces formes de son bouillonnement bruyant. Puis cette vague se retira, laissant là de drôles de vibrations, provenant de l’eau qui, passant par là, avait changé les abstraites équations, en formant de nouvelles harmonisations.

Ti-Jean se réveilla rempli d’un sentiment de satisfaction. Les aventures de la nuit sont parallèles à celles du jour, elles suivent la même trace d’une autre façon. Et ce rêve lui donnait l’espoir d’un changement profond. Il bailla. Il chanta quelques notes qui se répercutèrent et lui revinrent comme s’amplifiant d’elles-mêmes plusieurs fois avant de s’éteindre. Ti-Jean s’est dit qu’on pouvait composer ici les plus belles mélodies, simplement en improvisant quelques accords et en attendant la symphonie, composée par la grotte sans nom.

Ti-Jean pensa qu’il devrait lui trouver un nom... puis il pensa qu’il avait grand faim. Et il sortit de sa besace un morceau de pain, du fromage et des fruits, et un bon morceau de chocolat avec ça. Il mangea avec un bel appétit.
Puis il prit le temps de se recueillir en lui-même, cherchant comment conclure cette aventure. La grotte le fascinait, elle était si grande et mystérieuse, mais le lac était ce qui l’attirait le plus. Et sans attendre, il y plongea et vit que ce lac était comme un immense entonnoir. Sans hésiter et sans penser à la mort qui le guettait peut-être, il se dirigea en nageant tout au fond et s’engagea dans un tunnel très étroit. Il avait peur, il pensait que sa situation était celle d’un enfant qui s’apprête à naître. Et dans un dernier effort pour sortir de ce terrible endroit, il se propulsa malgré la chaleur accablante encore plus loin. Un étau se resserre, « Ah, mon Dieu! Aidez-moi ». Puis c’est l’aveuglement total, Ti-Jean perd pied, un tourbillon l’emporte avec frénésie toujours plus bas. AH!.......................... ». Sa conscience perd le fil et c’est très bien comme ça. Enfin, il est coupé, ce fil qui nous relie à notre réalité, celle d’où l’on ne peut pas se réveiller. En se propulsant au coeur de la terre, Ti-Jean, rempli de chaleur et de bonnes intentions, a laissé une longue trace de vie tout au long des artères, s’introduisant, prolongeant l’intrusion dans le NIFE, qui se trouve imprégné de la substance si essentielle qu’on trouve au fin fond de tous les humains, cette essence de vie qui surgit au-delà des murs qu’on se construit.

Ce fut un enfantement, pas celui de Ti-Jean, mais celui de la terre. Dans la nuit, l’occasion lui a été fournie de lier son coeur à celui de la terre. Ce fut un beau délire où la terre et Ti-Jean ont joui d’être unis, leurs deux coeurs battant avec fracas, en recomposant la vie et le temps autrement!

Michelle 10 septembre 1994

jeudi 23 juillet 2009

Le fil d'Ariane - Synchronicités

Ma vie a été parsemée de synchronicités, ces coincidences porteuses de sens, petits clins d'oeil de la vie, magie souvent teintée d'humour et de sagesse. Ça vaut la peine de s'y arrêter pour en jouir ou réfléchir... En voici quelques-unes qui me sont arrivées comme autant de petits messages d'espoir!

En 1979 probablement, j'avais un calendrier où s'inscrivait une citation sur chaque page, qui durait deux semaines. Un jour, j'ai voulu voir d'avance la phrase sur la prochaine page, ce qui n'était pas dans mes habitudes. Alors, un peu avant, j'ai ouvert sournoisement la page pour découvrir ceci: "Prends exemple sur la nature, son secret est la patience."

Quand en 1981 je suis tombée en amour avec Michel, que je connaissais depuis plusieurs années, j'étais un peu ambivalente tout de même, je venais de vivre une séparation. Nous allons faire l'épicerie ensemble, et Michel voit une petite roulette tranchante qui sert à couper la pizza. Il se met à insister pour que je l'achète... je ne comprends pas pourquoi, alors je lui dis "non" tout en me demandant ce qui lui prend. Je me dis que quand on achète une pizza, elle nous arrive déjà coupée! Mais le soir même, je me commande une pizza: elle n'était pas coupée, celle-là. Pour moi, cette synchronicité a été un signe qui a tranché mon ambivalence.
De plus, pas longtemps après, Michel et moi nous avons fait un rêve sur le même thème: le Titanic. Le lendemain, le vieux film du Titanic passait à la télévision, c'est alors que moi et Michel nous sommes exclamés: J'ai rêvé à ça, j'ai rêvé au Titanic. Vous me direz que cette fois ce n'était pas un très bon présage... en effet, ce "voyage" a dû tourner court, puisqu'au bout de 21 ans de vie commune, Michel a été obligé de partir de la maison. Il n'est pas loin mais il ne peut plus habiter avec moi, et ça lui brise le coeur.

M'apprêtant à laver mon plancher après avoir beaucoup attendu, je balaie sous la table et trouve un petit papier où est écrite cette citation: "L'oisiveté est comme la rouille, elle use plus que le travail." (J'ai collectionné ces petits papiers pendant un temps, ce n'est donc pas surprenant que j'en aie trouvé un par terre, mais le message...!) - J'échappe une "can" de conserve à terre; c'était bruyant. Sur le journal, le mot Vazimolo me saute aux yeux!

Un jour, j'ai trouvé sur le plancher d'un train de métro une brochure salie et déchirée à propos de l'arche de Noé, que j'ai ramassée et rafistolée. Le samedi suivant, je veux lire dans la bible certains détails de cette histoire de Noé qui m'intriguent, à propos d'ivresse. Je m'installe à ma table de cuisine. Le soleil, derrière moi, sort soudain d'un nuage et passant à travers un appliqué dans ma fenêtre représentant l'oiseau à la branche d'olivier et l'arc-en-ciel de l'histoire de Noé, justement, est venu projeter sur ma page, juste à côté des paroles de Dieu au moment où je lisais: "Ceci est l'arc de l'alliance...", des couleurs d'arc-en-ciel. Stupéfaite et emballée, j'y ai vu un beau symbole d'espoir.

En novembre 99, durant un dîner sur mon lieu de travail, un médecin a parlé de la Vierge Marie et de la question de sa virginité, et un autre médecin a répondu que si on pouvait rester vierge, comme la légende le dit, en concevant, il était impossible de le rester en donnant naissance. Le lendemain, j'entends le prénom Virginia deux fois en trois minutes, coup sur coup. Et le surlendemain, je vois une affiche sur le programme "Virginie", et à la télé passe l'ouverture de l'émission Bonanza où on peut voir sur une carte les mots "Virginia city" avant qu'elle brûle. Ça fait beaucoup de vierges en peu de temps, alors ça m'intrigue, et je regarde dans mon dictionnaire de symboles. En voici quelques extraits: "L'état virginal signifie le non-manifesté, le non-révélé" "La Sagesse fait allusion à l'oiseau survolant les eaux primordiales. Il s'agit du tohu-bohu qui ne signifie pas le désordre mais l'absence de forme. Ces eaux virginales deviendront fécondes, c'est à dire pourvues de vie, grâce à cet oiseau (Esprit-Saint, Sagesse, Vierge) qui semble les couver, les révéler, les manifester."

Quelques jours plus tard, j'entends le nom "Washington". Intriguée, je regarde dans le Larousse: (Je manque de connaissances en histoire)

"George Washington: (Comté de Westmoreland 1732, Virginie (Revoilà la virginité) - Mount Vernon 1799) Homme politique américain. Riche propriétaire, représentant de la Virginie aux Congrès de Philadelphie..."

Les connaissances de l'inconscient collectif sont étonnantes! Voilà pourquoi, quand j'entends un mot ou un nom qui ne me dit rien au premier abord, je fouille toujours un peu plus loin, et souvent j'apprends quelque chose d'intéressant et/ou qui alimente ma réflexion.


Quand j'achète un cahier d'écriture, je le choisis avec soin, ou s'il est de couleur unie, sans image sur la couverture, je le décore moi-même. En juin 1999, j'ai collé sur un nouveau cahier un globe, genre de biosphère avec les mots "Un monde à explorer", et aussi Saturne et autres objets célestes. Et tout au long de ce cahier, il m'est arrivé des synchronicités et des images mentales à propos du soleil, de la terre (globes terrestres), de la lune (en juillet, je parle de l'anniversaire de 30 ans depuis que l'homme a marché sur la lune), des étoiles, d'une comète. Ce cahier m'a fait faire un tour d'univers.

Le 24 février 2009, je venais de prendre connaissance la veille d'un subpoena qui nous inculpait, Michel et moi, et nous demandait une somme astronomique en dommages et intérêts. Nous étions hors-la-loi, et le bras de la justice venait de trancher. Voici ce qui m'est venu à l'esprit - je cite textuellement ce que j'ai écrit dans mon cahier à ce moment-là:
"J'ai vu un grand rocher et/ou une montagne. Le haut de cette montagne était un indien. Je voyais sa silhouette avec deux tresses, en-haut de la masse, qui se déplaçait. Déplacer les montagnes!.. Et une voix a dit: "Les lois elles-mêmes". - Les lois elles-mêmes peuvent être déplacées? - A propos du rocher-indien, les indiens d'Amérique ont justement d'autres lois que les nôtres. Mais ils ont été obligés de se limiter à ce que les blancs leur ont attribué comme territoire. Par contre, ils sont "outlaw" par rapport à nous, ne paient pas de taxes. Ils ont leurs propres lois." Le jour même où j'ai vu cette image et entendu ces mots, dans la salle à manger au CLSC où je travaille, je trouve sur une table un signet où était écrit ceci: "La foi - Jésus dit: "Je vous le déclare, c'est la vérité: si vous aviez de la foi gros comme un grain de moutarde, vous diriez à cette colline: "Déplace-toi d'ici à là-bas", et elle se déplacerait. Rien ne vous serait impossible." Matthieu 17.20b Et je commente ainsi: "Quelle belle synchronicité, remplie d'espoir."

Quelque temps après, nous sommes en attente après que Michel ait fait une demande de révision. Je perds ma passe mensuelle d'autobus à la station Berri (qui est une station de métro centrale à Montréal). Comme elle coûte environ $100.00, je m'en mords les doigts. J'ai inscrit mon téléphone derrière la carte. Je reçois un appel d'un monsieur qui m'annonce que sa fille a trouvé ma carte à Berri. Ouf! Je m'informe de l'endroit où ils habitent, c'est dans le quartier où je travaille. Et puis, quand je lui dis que je travaille au CLSC, il me dit: "Attendez, je pense que ma fille doit justement aller au CLSC demain matin pour des prises de sang!"... Il s'informe et c'était vrai! Wow, quelle chance! Le lendemain la jeune fille, toute timide, est venue me porter ma carte, je lui ai donné une chandelle parfumée et une carte la remerciant d'avoir été un ange sur mon chemin. Cette synchronicité, doublée de celle du rocher-indien, m'a donné espoir que la vie et le temps arrangent bien les choses. Et c'est bien ce qui s'est passé... Nous avons eu une rencontre de conciliation, ça s'est très bien passé, et le montant de la dette a considérablement diminué... assez pour que je n'aie pas de crainte pour l'avenir.

Et comme dessert, voici une synchronicité qui m'est arrivée le 19 juillet dernier. J'ai regardé comme je le fais presque tous les jours les Ephémérides d'Alcide, pour savoir les événements qui étaient arrivés un 19 juillet. Il disait que la Pierre de Rosette avait été trouvée le 19 juillet 1799. Je ne connaissais pas cette pierre. Le même jour, dans mon livre de science-fiction "Le triangle à quatre côtés" de William Temple, on parle aussi de cette Pierre: Rosetta Stone. Alors, j'ai cherché sur Internet, et j'ai découvert que sur cette pierre est gravé le même texte en trois langues: en hiéroglyphes (langue des dieux en Egypte), en démotique (langue populaire) et en grec. Elle permit à Champollion, en 1822, de déchiffrer le langage des hiéroglyphes, qui ressemble au principe de la langue des oiseaux. Les dessins forment parfois des rébus dont le sens devient clair quand on prononce les mots correspondants.
http://www.radio-canada.ca/actualite/decouverte/reportages/2004/05-2004/16rosette.html

Je vous invite aussi à lire deux articles de mon blog qui parlent d'autres synchronicités qui me sont arrivées:
http://le-chemin-au-dela.blogspot.com/2009/06/les-elephants.html
http://le-chemin-au-dela.blogspot.com/2009/05/synchronicite-et-dialogue-entre-le-bien.html

La vie réserve de bien belles surprises à celui qui entreprend la plus belle aventure qui soit, un chemin à nul autre pareil, jalonné de points de repères pour celui qui a l'esprit ouvert!


Michelle
23 juillet 2009


P.S. Suite de la dernière synchronicité mentionnée ici: Aujourd'hui 24 juillet, je suis en train de lire "K-Pax"; dans l'épilogue on parle d'un texte de Hamlet traduit en Pax-o (langage fictif de la planète K-Pax) qui a servi de Pierre de Rosette pour déchiffrer le rapport de "prot" à propos de la Terre.

Ephémérides d'Alcide: http://www.lessignets.com/signetsdiane/calendrier/index.htm

Graine de soleil


Enveloppée dans une graine

la substance vivante et puissante du soleil

au-delà de l'ennui

dort d'un sommeil subtil

l'oeil grand ouvert au milieu du coeur.



Michelle

Juin 1984

dimanche 19 juillet 2009

Narcisse réhabilité

Extraits du dictionnaire des symboles, de Laffont

NARCISSE

"Les philosophes (L. Lavelle, G. Bachelard), les poètes (Paul Valéry) ont longuement étudié ce mythe, interprété généralement de façon un peu simple. L'eau sert de miroir, mais un miroir ouvert sur les profondeurs du moi: le reflet du moi qu'on y regarde trahit une tendance à l'idéalisation. Devant l'eau qui réfléchit son image, Narcisse sent que sa beauté continue, qu'elle n'est pas achevée, qu'il faut l'achever. Les miroirs de verre, dans la vive lumière de la chambre, donnent une image trop stable. Ils deviendront vivants et naturels quand on pourra les comparer à une eau vivante et naturelle, quand l'imagination renaturalisée pourra recevoir la participation des spectacles de la source et de la rivière.

G. Bachelard insiste sur le rôle de ce narcisse idéalisant. Cela nous semble d'autant plus nécessaire, écrit-il, que la psychanalise classique paraît sous-estimer le rôle de cette idéalisation. En effet, le narcissisme n'est pas toujours névrosant. Il joue aussi un rôle positif dans l'oeuvre esthétique (notamment)... Elle peut être une sublimation pour un idéal. Cette idéalisation se lie à une espérance, d'une telle fragilité qu'elle s'efface au plus léger souffle."

"Le moindre soupir
Que j'exhalerais
Me viendrait ravir
Ce que j'adorais
Sur l'eau bleue et blonde
Et cieux et forêts
Et rose de l'onde."
Paul Valéry, Narcisse

"A partir de ces vers et de l'étude de Joachim Gasquet, G. Bachelard découvre également un narcissisme cosmique: c'est la forêt, le ciel qui se mirent dans l'eau avec Narcisse. Il n'est plus seul, l'univers se reflète avec lui et l'enveloppe en retour, il s'anime de l'âme même de Narcisse. Et comme le dit J. Gasquet: Le monde est un immense Narcisse en train de se penser. Où se penserait-il mieux que dans ses images? demande G. Bachelard. Dans le cristal des fontaines, un geste trouble les images, un repos les restitue. Le monde reflété est la conquête du calme."

Locomotives et trains

Beaucoup de symboles m'ont suivie tout au long de ma vie, me parlant différemment suivant les événements. Comme par exemple les trains, et particulièrement les locomotives: symbole de l'énergie dynamique qui nous entraîne dans l'évolution de notre vie. Le train est plutôt un symbole de notre vie sociale, alors que l'automobile et surtout la bicyclette, moyens de transport individuels, représentent l'autonomie.

A l'école, à la fin de ma 1ère année (donc à l'âge de 7 ans), je me souviens avoir écrit le mot "locomotive" dans mon cahier, en l'étirant exprès pour essayer de rejoindre l'autre côté de la page. Quand j'étais enfant, nous avions un disque (vinyle bien sûr) de "Puff'n Toot", c'était l'histoire d'une petite locomotive qui rencontrait sur son chemin des obstacles, entre autres une vache couchée sur la voie, et surtout une montagne qu'elle a réussi à franchir après beaucoup de ténacité et d'efforts. J'aimais beaucoup cette histoire, qui me parlait symboliquement.

Devenue adolescente, j'ai souvent fait le même cauchemar: J'essayais de traverser une voie ferrée qui se trouvait sur une butte (c'était un endroit familier près de chez moi, parfois difficile à traverser l'hiver, à cause de la glace). C'était la nuit, et je restais figée sur la voie ferrée, incapable de bouger de là. Et je voyais de loin venir vers moi la grosse lumière d'une locomotive. J'étais terrorisée! Je pense que cette peur représentait en partie ma peur de la sexualité, donc des garçons, mais probablement aussi de ma libido en général, ma propre énergie. Dans le même temps, je rêvais aussi que je me mariais, et que j'avais peur de la nuit de noces...
Je n'écrivais pas mes rêves dans ce temps-là, alors je n'ai pas de moyen de réviser mes souvenirs.

Ces cauchemars peu à peu se sont transformés en rêves plus sereins. J'arrivais à m'échapper de la voie et je regardais passer le train juste à côté de moi. Puis un jour je suis montée à bord de ce train... Et quand à l'âge de 20 ans, j'ai quitté le domicile familial pour habiter en appartement et commencer une vie plus autonome, j'ai fait ce rêve encourageant: J'étais dans un train qui roulait, dans la locomotive, plus précisément. Je m'aperçois qu'il n'y a pas de conducteur. Je m'approche du tableau de bord et réalise que les instructions sont très simples. Alors, je conduis la locomotive. Et ensuite, je vois plusieurs images de suite où un ruisseau devient plus large, puis devient rivière, et fleuve... l'eau remplit ensuite entièrement l'écran de mon rêve. Quel bel encouragement pour l'avenir!

Michelle

P.S. Fait intéressant et cocasse, j'ai su dernièrement que le train qui passait sur cette voie ferrée et qui me faisait si peur quand je le voyais se diriger vers moi, transportait des jeunes garçons qui le prenaient pour se rendre à l'école des garçons, située pas loin de l'école des filles que je fréquentais. Et mon "chum" Michel, mon amoureux fidèle, voyageait dans ce train. Donc, il y avait beaucoup de libido là-dedans, des adolescents fringuants!

vendredi 17 juillet 2009

Individu - individualité - individuation

Extraits du livre "Types psychologiques" de Carl G. Jung - Dernier chapitre: Définitions

INDIVIDU

L’individu est l’être pris à part; l’individu psychologique est caractérisé par sa psychologie singulière et, jusqu’à un certain point, unique en son genre. L’originalité de la psyché individuelle se reconnaît moins à ses éléments qu’à ses productions complexes. L’individu, l’individualité psychologique, existe inconsciemment a priori; elle n’existe consciemment que dans la mesure où le sujet a conscience de son originalité, c’est-à-dire de ce qui le distingue d’autrui. L’individualité psychique est une donnée corrélative de l’individualité physique; mais, comme je l’ai déjà dit, elle est tout d’abord inconsciente. Un processus conscient de différenciation, l’individuation, est nécessaire pour rendre consciente l’individualité, autrement dit, pour la faire ressortir de l’identité à l’objet. L’identité à l’objet équivaut pour l’individualité à l’inconscience; or tant qu’elle est inconsciente, il n’y a point d’individu psychologique mais une simple psychologie collective du conscient. L’individualité inconsciente est alors identique à l’objet, elle est projetée sur lui; par suite, l’objet a une valeur exagérée et son influence déterminante est trop puissante.

(J'ajouterais que ce processus d'individuation est un processus naturel, et je pense que pour certaines personnes cette conscience d'eux-mêmes est innée; je pense notamment aux enfants Indigo. Michelle)

INDIVIDUALITÉ

C’est l’originalité et la particularité de l’individu sous tous les rapports psychologiques. Est individuel tout ce qui n’est point collectif, ce qui n’appartient qu’à un seul et non à un groupe. On ne saurait parler de l’individualité des éléments psychologiques, mais seulement de celle de leur groupement, ou d’une combinaison d’éléments originale et unique en son genre.

INDIVIDUATION

Le concept d’individuation est particulièrement important en psychologie analytique. Généralement parlant, c’est le processus de formation et de particularisation de l’individu ; plus spécialement de l’individu psychologique comme être distinct de l’ensemble, de la psychologie collective. L’individuation est donc un processus de différenciation qui a pour but de développer la personnalité individuelle. Cette individuation est une nécessité naturelle, puisque l’entraver par des réglementations rigides ou même exclusives, selon des normes collectives, porterait un grave préjudice à l’activité vitale de l’individu. Or l’individualité est déjà donnée physiquement et physiologiquement ; de là découle son expression psychologique correspondante ; entraver son développement équivaut à estropier artificiellement le sujet. Or un groupe social composé d’unités estropiées ne pourrait être une institution sainte ni viable ; seule la société qui peut à la fois conserver sa cohésion intime, ses valeurs collectives et accorder à l’individu la plus grande liberté possible peut espérer une vitalité durable ; l’individu n’est pas seulement unité, son existence même présuppose des rapports collectifs ; aussi le processus d’individuation ne mène-t-il pas à l’isolement, mais à une cohésion collective plus intensive et plus universelle.

Le processus psychologique d’individuation est étroitement lié à la fonction dite transcendante qui détermine les lignes individuelles de développement que l’on ne saurait atteindre par la seule voie des normes collectives...

L’individuation est toujours plus ou moins en opposition avec la norme collective, puisqu’elle est séparation et différenciation de l’ensemble, formation de l’originalité, non d’une originalité recherchée, mais de celle qui est donnée à priori dans la disposition du sujet. Cependant son opposition à la norme collective n’est qu’apparente : à y regarder de plus près, on remarque que le point de vue individuel n’est pas opposé à la norme collective ; il a simplement une autre orientation. D’ailleurs, une voie individuelle ne peut à vrai dire jamais s’opposer à la norme collective ; seule une autre norme pourrait le faire. Or une voie individuelle n’est jamais une norme ; celle-ci est toujours le résultat de l’ensemble des voies

jeudi 16 juillet 2009

Le fil d'Ariane - Regarder la mer


Durant les années 70, j'ai continué à dessiner et à écrire. Et bien sûr, j'ai aussi vécu. C'étaient des années très riches musicalement, spirituellement, des années de changement, remplies de promesses! J'écrivais surtout mes rêves, je les écrivais tous... Il faut dire qu'il suffit de s'intéresser activement à nos rêves pour s'en rappeler de plus en plus au réveil. Résultat: C'était un peu trop, hi, hi! Je trouvais à peine le temps de les noter. C'est comme si on voulait noter dans notre journal tout ce qui nous arrive dans une journée. Ouf! Après, j'ai décidé de ne noter que ceux qui me "parlaient", qui me paraissaient importants. En février 1976, j'ai commencé à travailler dans un C.L.S.C. et à me sentir utile à la communauté. Fin août 1981, je suis "tombée" en amour avec un homme qui était d'avance un ami cher à mon coeur; un homme qui avait une riche vie intérieure, qui aimait dessiner entre autres ses rêves... C'était un beau partage et un tremplin pour moi.
Mais il me manquait quelque chose, je m'ennuyais, je me nourrissais d'illusions sur ce que je pourrais faire si seulement j'en avais l'occasion. J'avais de beaux rêves de partage mais je ne savais comment les concrétiser, quel chemin prendre. En 1974, je m'étais promis de progresser et j'avais l'impression de stagner intérieurement. C'est ce qu'on appelle en alchimie la "Nigredo", l'oeuvre au noir. C'est alors que (en octobre 1982) j'ai trouvé un pamphlet sur une table à l'accueil du CLSC: Solidarité-Psychiatrie, et au programme des "Discussions autour de la folie". Wow, ça m'intéressait. Je suis devenue membre de ce groupe d'entr'aide en santé mentale. Je me suis fait des amis... et j'ai aussi été confrontée à mon ombre, mes problèmes de communication. C'est alors que j'ai écrit ce poème rempli d'anxiété, un cri du coeur: "Caricature de soleil".

Quelques mois plus tard, j'ai fait une petite gaffe et je m'efforçais de ne pas y penser (j'y pensais tout le temps), je me suis couchée sur mon lit, me suis détendue, et c'est là que j'ai enfin tenu entre mes mains le début du fil d'Ariane qui devait déterminer tout le reste de ma vie. Une voix m'a parlé à l'oreille, elle a dit: "Penses-y deux jours..." D'où venait-elle? De mon subconscient? D'un guide? Je ne sais pas! Mais c'était une vraie voix. Et c'était très surprenant et étrange. On a l'habitude d'images hypnagogiques, chacun de nous en a fait l'expérience, mais entendre une voix nous parler, c'est plus inhabituel, et ça fait un peu sursauter, la première fois! Y penser deux jours, ça voulait dire de ne pas essayer de ne pas y penser; et qu'après deux jours... je l'ai constaté maintes fois par la suite, même quand il s'agit d'une grosse gaffe, on peut passer à autre chose, on peut continuer, cet incident fait désormais partie du passé.

Pas longtemps après ce premier "contact", et dans le même état d'être, allongée et détendue, j'ai entendu: "L'attente vaut mille mots." Cette phrase m'a inspiré le poème: L'attente, que voici:
Et puis, j'ai entendu un matin un prénom dans ma tête: "Noémie". Comme je ne connais pas de Noémie, j'ai pensé à ce prénom phonétiquement, et j'ai pensé: "No way me", moi qui n'ai pas de chemin... et tout de suite après, j'ai pensé: "Know way me". Ah, cette fois, c'est plus encourageant: Moi qui connais le chemin. L'inconscient souvent s'exprime de cette façon notamment dans les rêves, c'est ce qu'on appelle la langue des oiseaux. Je vous en parlerai plus en détails une prochaine fois.

Par la suite, jamais cette guidance ne m'a fait défaut. Si j'avais une interrogation, si j'avais besoin d'un conseil, je posais ma question intérieurement, et la plupart du temps, j'avais une réponse, sous une forme ou une autre. Et c'est encore le cas aujourd'hui. L'inconscient ne demande qu'à établir un contact, c'est nous qui bloquons involontairement ce contact, parce que le mental en nous prend souvent toute la place. J'ai compris après de nombreuses années que cet état d'être, ce lâcher prise, qui permet de faire place au flux vivant de l'inconscient est ce qu'on appelle la méditation. Mais contrairement à ce qu'on préconise la plupart du temps quand on parle de méthodes de méditation, loin de laisser passer les images et le verbe sans m'en préoccuper, j'ai pris l'habitude de noter tout ce que je pouvais noter. La nuit, j'avais toujours à côté de moi de quoi écrire. Pendant quelques années, je pouvais souvent, le matin surtout, être dans cet état pendant une heure, et noter à mesure ce qui venait, pour ensuite me replonger dans cet état. J'ai plus de difficultés maintenant... Mais ce que Jung appelle le processus d'individuation proprement dit, je l'ai vécu jusqu'au bout, et ensuite, une voix m'a dit que je pouvais cesser de tout noter... ce n'était plus nécessaire.

Bien sûr, la fin de ce processus n'est pas la fin du cheminement, qui lui ne se termine jamais. On passe simplement à autre chose. Le processus d'individuation permet d'arriver à se connaître assez pour arrêter de projeter à l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur de nous. C'est très long! Entre le moment où je me suis décidée à entreprendre seule mon cheminement et la période où j'ai vu deux images mentales à propos d'une cité qui était presque terminée, il s'est passé 25 ans.

Un jour, j'ai entendu ceci: "Si les hommes savaient ce qui arrive (OU * ce qui se passe) lorsqu'ils regardent la mer, ils la regarderaient tout le temps". Pour moi, cette phrase signifie: Si les hommes savaient ce qui se passe en eux quand ils sont en contact avec l'inconscient, qui comme la mer regorge de richesses et de mystères (la mer est couramment un symbole de l'inconscient), ils entretiendraient ce contact précieusement... ils tiendraient solidement en matin ce fil d'Ariane qui nous permet de ne pas se perdre dans les dédales de la vie! C'est la grâce que je vous souhaite sincèrement!

Amicalement,
Michelle
* Je sais, ce "OU" est déconcertant! Mais il faut dire que cette "intrusion" de l'inconscient dans le conscient prend toujours par surprise, et le temps de se la répéter... et de l'écrire, la phrase est souvent moins précise qu'on le voudrait. Ainsi, mes cahiers sont truffés de ces imprécisions un peu agaçantes. Cependant, voyez comme les deux "versions" sont subtilement différentes: "ce qui arrive", ce qui surgit, survient, OU "ce qui se passe", qui suggère une modification (de l'énergie?). Dans une réaction chimique, "ce qui arrive" serait le précipité ou la fumée qui ressort d'un mélange, et "ce qui se passe" serait un changement de sa couleur, de sa texture, etc.

lundi 13 juillet 2009

Le fil d'Ariane - Les fantômes de mon passé


Pour vous faire comprendre ce qui m'a poussée à entreprendre un tel cheminement, voici des extraits de mes premiers textes, où je décris mes états d'âme et d'esprit. Ils ont été écrits en 1973 ou 1974; j'avais 22 ou 23 ans.

"J'ai peur du hasard, peur d'être surprise dans ma fragilité, je voudrais être invisible et n'avoir rien à faire avec la société." "Chaque action que je fais me paraît une montagne, comme chaque opinion que j'émets. Une discussion prend l'allure d'une bataille où je prends l'autre pour un ennemi qu'il me faut soumettre pour ne pas me sentir méprisée, et si je me sens vainqueur, j'ai pourtant le même sentiment."

"J'ai tellement toujours peur de faire une erreur, si petite soit-elle, que ma vie est jusqu'ici un échec complet, une éternelle recherche pour devenir parfaite. Comme si devenir parfaite pouvait m'attirer l'amitié et l'amour." "Je ressens une terreur intense que les adultes m'en veulent et me rejettent, constamment je suis en proie aux remords et à l'angoisse d'avoir choqué quelqu'un. Je me sais inhumaine, je me ressens comme un contenant sans contenu et qui doit constamment guetter ses réactions; au lieu de me laisser aller à mes impulsions, je me sens toujours en danger de ne pas correspondre à l'image que je veux donner de moi. J'ai peur toujours peur de faire du mal autour de moi et cette peur me met dans une situation tragique, je me sens comme une enfant, qui doit constamment faire taire ses instincts, ses impulsions, pour ne pas choquer ses parents." "A l'école, je me sentais transparente, comme si chacune de mes réactions intérieures, chacune de mes pensées, était visible de l'extérieur."

"Je voudrais parcourir les routes sombres de mon cerveau et déchiffrer les terres de ma pensée inquiète. J'aimerais y faire germer une volonté d'amour et sans regret brûler ce qui y traîne de déchets et de faux pantins qui me font défaillir."


Mais malgré tout il y a de l'espoir. Je vous ai parlé de mon rêve d'enfance.
http://le-chemin-au-dela.blogspot.com/2009/07/le-fil-dariane-debut-de-mon-aventure.html
Voici le poème que j'ai composé en 1974, inspiré par ce rêve.

Je l'ai un peu modifié en 1986, en vue de participer à un concours.

LA GRANDE AVENTURE

Laissant là mon passé et lui disant adieu,
je marche sans regrets vers une montagne obscure.
Je perçois dans cette masse une lueur fébrile,
qui m'attire en son sein comme vers un aimant.
Tournant le dos au nid qui m'a jadis gardée,
dont la chaleur m'a protégée, enveloppée,
j'enfonce dans la noirceur de mon âme inquiète.
J'y pressens des trésors de bonheur, et pourtant,
je prévois les dangers et la mort qui me guettent.
Car on ne peut franchir sans larmes ce lieu troublant,
ce lieu où j'entrevois des images oubliées,
où je dois m'enfoncer et où je veux surprendre
chacune de mes pensées dans son sombre repaire,
pour retracer la source et la raison première,
afin d'en ressentir intensément la peur,
aussi bien que l'espoir de revivre l'ardeur,
après ces faux délires qui s'emparent de moi
et qui m'empêchent ainsi de continuer mes pas
vers ce lieu de refuge où je vais concevoir
un enfant qui est moi, qui se reconnaîtra.
Je pars avec pour tout bagage un peu d'espoir,
et la certitude que demain sera moins noir,
si déjà je l'affronte malgré ma peur de moi,
et si dans les chemins obscurs de la montagne,
je peux garder toujours près de moi et en moi
l'amour du vrai, du moi vivant naturellement.
J'affronte sur mon chemin les puissances du passé,
je rampe dans les voies sans y voir, en tremblant,
mes yeux sont impuissants, le sentiment absent;
entre les découvertes, mon désespoir afflue,
mais je monterai sans cesse jusqu'au cratère,
et poussée par le feu de mon attente brûlante,
de mes angoisses, de mon espoir et de ma peur,
sans lancer un regard aux trésors découverts,
afin d'être moi-même enfin j'émergerai,
le coeur toujours brûlant et les yeux bien ouverts,
entourée d'herbe tendre et d'un lit de lumière,
en haut de la montagne et tout près du soleil.
Renaître un jour enfin après ce long exil!
Je pourrai exister, danser, vivre et chanter,
crier sans fausse honte, crier ma joie d'aimer.

Michelle

vendredi 10 juillet 2009

Symbolique - Le magicien d'Oz


Depuis ma plus tendre enfance, j'aime l'histoire du Magicien d'Oz. Je l'ai vue en film bien des fois, et plus tard, j'ai lu le livre de Frank L. Baum. Un jour, dans les années 70, j'ai revu ce film, et soudain il m'est apparu sous un autre angle, un point de vue symbolique.

Dorothée habite sur une ferme chez son oncle et sa tante. Elle s'ennuie. Soudain survient une tornade qui les emporte, elle et son petit chien Toto dans la maison, très haut dans un grand tourbillon. (Elément déclencheur d'un bouleversement intérieur). Dorothée se retrouve, en ouvrant la porte, dans un univers en couleurs, un pays très étrange... La maison en tombant a écrasé la méchante sorcière de l'Est. Peut-être ce mouvement hors de l'ordinaire a-t-il tué l'ennui, la monotonie, en propulsant Dorothée et son petit chien dans un monde étrange: Le monde de la psyché, quand on se met à l'explorer, nous révèle un univers insoupçonné.

La bonne sorcière du Nord l'accueille dans ce pays, et comme Dorothée lui exprime le désir de rentrer chez elle, au Kansas, elle lui dit qu'elle n'a qu'à suivre la route de briques jaunes jusqu'à la cité d'Emeraude, et là demander à rencontrer le magicien d'Oz, qui pourra sûrement l'aider. (Route de briques jaunes, cheminement de l'esprit, la couleur jaune représentant souvent la spiritualité) Alors Dorothée, confiante, se met en route. Je reviens une seconde sur Toto, son fidèle compagnon canin, qui bien sûr représente son instinct, le point commun entre l'animal et nous, bien que certains hommes en fassent peu de cas.

Sur leur chemin, ils rencontrent un épouvantail, qui se plaint à Dorothée qu'il aimerait bien avoir un cerveau, qu'il n'est fait que de paille. Elle le détache donc du poteau où il était lié (On est bien pieds et mains liés quand on se sous-estime à ce point, et on a la tête bien vide quand on est immobile à ce point!) et lui propose de l'accompagner chez le magicien.

Ensuite, ils rencontrent un homme tout en fer. Ses jointures ont rouillé depuis longtemps, ils le délivrent de cette immobilité en le huilant soigneusement. L'homme de fer se plaint de n'avoir plus de coeur, puisqu'il est tout de fer blanc. (Dans le livre, l'explication est bien plus longue, il a aimé jadis, le père de sa belle lui a fait couper les membres et tout le reste, et son corps a été remplacé progressivement par une carcasse de métal.) On l'invite donc à se joindre au groupe pour essayer d'obtenir du magicien d'Oz qu'il lui donne un coeur. (Quand on se sous-estime grandement soi-même, on a de la difficulté à aimer les autres aussi... On ne s'en vante pas, mais on en souffre, on se sent coupable de ne pas être vrais.)

Un peu plus loin, un lion surgit et se met à rugir. Alors Toto se rue sur le lion et celui s'apprête à l'attaquer, quand Dorothée court à la rescousse de son Toto et se met à le gronder. Le lion alors baisse la tête, tout dépité. Pauvre lion, il souffre de manquer de courage. Un tel animal se doit d'être fort et courageux, mais il n'y peut rien, il a peur... Il se joint donc à la compagnie pour aller demander au magicien s'il peut faire quelque chose pour lui aussi. La peur fige, c'est bien connu.

Les trois personnages rencontrés en chemin étaient tous les trois malheureux et immobiles, faisant écho à l'ennui de Dorothée quand elle vivait sur la ferme... où elle rêve pourtant de retourner. Retourner chez soi, c'est symboliquement très important, on en rêve tous. Retourner chez soi, c'est se connaître et s'accepter au point qu'on devient à l'aise intérieurement. Et le chemin pour y arriver peut être très, très long. Ainsi, quand on se sent mal à l'aise, on n'est jamais chez Soi; mais de retour chez soi, on garde cette certitude intérieure n'importe où.


Donc nos quatre amis, sans oublier aussi Toto, se dirigent maintenant ensemble vers ce grand être puissant qui pourra peut-être les aider (un thérapeute, un gourou, un dieu?). Quand on commence à se connaître, ce n'est pas très encourageant, on prend conscience de ce qui nous manque pour être heureux. Par contre, c'est bien un commencement, avec l'espoir qui le sous-tend. Ils ont failli, presque arrivés au but, s'endormir à cause d'un grand champ de pavots. On peut se décourager parfois, et beaucoup rebroussent chemin, il ne faut pas. Ça vaut tellement la peine de continuer!

Arrivés dans la cité d'émeraude (qui représente bien sûr le Centre, le Soi), le magicien leur accorde une audience. Il use d'artifices pour les impressionner. Et il leur dit que pour être exaucés, ils doivent tuer la méchante sorcière de l'Ouest. Voilà nos amis bien avancés. Eh oui, c'est comme ça! Nous seuls connaissons intuitivement notre chemin. Un thérapeute, aussi savant et expérimenté soit-il, ne peut que vous orienter, vous conseiller, vous placer face à vous-mêmes, mais il ne peut absolument rien pour vous sans votre collaboration. Chaque être humain est un mystère, un individu original et à nul autre pareil, au fin fond de soi. Alors voila, le magicien leur montre la direction, ils devront affronter la méchante sorcière, obstacles, adversité, agressivité, tout ce qui fait peur dans la vie! Et voilà nos amis repartis, bien découragés.

Dans le livre, la sorcière leur envoie des loups pour les mettre en pièces, des corbeaux pour leur crever les yeux, des abeilles pour les tuer à coups de dards, il serait trop long de vous en faire le récit. Je vous invite à le lire! Mais sachez que nos amis ont usé de toute leur astuce et leur courage pour venir à bout de tous ces ennemis. Mais enfin, ils ont été vaincus, du moins provisoirement. Dorothée et Toto se sont retrouvés dans le château de la sorcière.
C'est alors que, la sorcière ayant menacé Toto (l'instinct contrarié se révolte), Dorothée s'est emportée et a lancé sur la sorcière un seau d'eau qui se trouvait là... Quelle ne fut pas sa surprise de voir la sorcière fondre devant ses yeux. L'eau est un symbole très riche. Elle représente entre autres la purification, et aussi la connaissance. Prendre conscience, élaguer son être peu à peu de tout ce qui l'empêche d'être vrai, prendre connaissance de tout ce qu'on trouve sur son chemin qui peut nous aider à grandir, travailler sur soi, tout ça est important pour éliminer notre sorcière intérieure. Comme dit le Yi-King, la seule façon de combattre le mal est une poussée énergique dans le bien. Donc, ouf, la sorcière est vaincue. Il reste à se réunir de nouveau et cette fois-ci, forts de leur bon droit et de leur nouvelle hardiesse, les quatre compagnons retournent voir le magicien pour réclamer leur dû.

Quand ils retournent à la cité d'émeraude, le magicien ne veut pas les recevoir, et remet au lendemain de jour en jour leur audience. Et quand il accepte enfin de les recevoir, il use d'artifices encore une fois pour les impressionner, mais le petit chien, qui fouine partout (ah, l'instinct!) découvre la supercherie. Ce supposé grand magicien est un homme ordinaire, c'est même un charlatan. (Bon, bon, les thérapeutes ne sont heureusement pas tous des charlatans mais beaucoup d'hommes bardés de leur charisme, profitent de la naïveté humaine!) Comment va-t-il donc accéder à leurs désirs?

L'épouvantail lui dit: Vous ne pouvez pas me donner de cervelle? Le "magicien" répond: Vous n'en avez pas besoin. Chaque jour vous apprend quelque chose de nouveau. Un bébé a une cervelle, mais il ne connaît pas grand-chose. Seule l'expérience instruit, et plus vous vivrez sur cette terre, plus vous acquerrez d'expérience.

Et, en ce qui concerne mon courage? dit le lion. Le "magicien" lui dit: Je suis sûr que vous en êtes bourré. Ce qui vous manque, c'est la confiance en vous-même. Tout ce qui vit a peur en face du danger. Le vrai courage consiste donc à braver le danger qui fait peur, et cette sorte de courage ne vous fait pas défaut.

Et, pour ce qui est de mon coeur? demanda le bûcheron en fer blanc. Le "magicien" lui répond: Alors, là, je pense que vous avez tort de désirer un coeur. La plupart des gens s'en trouvent fort malheureux. Si seulement vous saviez ce que c'est, vous vous réjouiriez d'en être dépourvu. (J'aurais fait une autre réponse... mais enfin! - Le bûcheron a fait preuve au contraire de beaucoup de coeur durant ce périple. Comme la cervelle, le coeur se développe à mesure que notre être se décante de ce qui le mine.)

Par la suite, après y avoir réfléchi d'abord, le magicien leur donna tout de même chacun ce qu'il voulait, symboliquement. Il a forgé un cerveau fantaisiste et l'a logé dans la tête de l'épouvantail, il a trouvé un petit coeur de soie, l'a bourré de sciure de bois, et installé dans le torse de l'homme de fer, et il a fait boire au lion un lait de courage.

Pour ce qui est du souhait de Dorothée, de retourner chez elle, le magicien lui a fait faux bond en partant à bord d'une montgolfière avant que Dorothée ait pu y embarquer. Il voulait lui aussi retourner chez lui, en Omaha. Pauvre Dorothée! Mais la bonne sorcière lui donne le truc pour se rendre chez elle. Grâce aux souliers d'argent qui appartenaient à la méchante sorcière de l'Est, elle pourra retourner au Kansas. Enfin chez soi! Des souliers, ça sert à cheminer, bien sûr, ça sert dans les démarches... donc au bout de l'aventure, ils servent à enfin rentrer chez soi!

Et voilà, c'était en abrégé la belle histoire du magicien d'Oz, vue sous l'angle de la symbolique. J'espère qu'elle vous a plu.

Au fait, savez-vous d'où vient ce nom: OZ? Frank L. Baum, racontant cette histoire qu'il venait de créer, s'est fait demander comment il appellerait ce pays fantastique, et qu'il n'avait pas encore nommé! Celui-ci, jetant un regard dans la pièce, a vu sur des tiroirs de classeurs:
O-Z (les lettres de O à Z), alors il dit que ce pays s'appelait Oz.

Dans le film, au début, j'aime beaucoup regarder et entendre Dorothée (Judy Garland) chanter: "Somewhere over the rainbow." En effet, au-delà de l'arc-en-ciel, symbole de l'alliance entre notre monde terrestre et celui de l'Esprit, le ciel est bleu et les rêves qu'on ose rêver deviennent réalité. C'est la grâce que je vous souhaite!
http://www.youtube.com/watch?v=F0-um0pHTAg
http://www.youtube.com/watch?v=UFpVsTuOpK8

Michelle
12 juillet 2009

jeudi 9 juillet 2009

Le fil d'Ariane - Début de mon aventure

Quand j'étais enfant, j'ai fait le même rêve plus d'une fois. J'habitais sur une ferme, je disais adieu à la ferme (dans un de ces rêves, à un cheval en particulier), et accompagnée d'un ours qui marchait comme un humain mais ne me parlait pas, je m'enfonçais dans un tunnel étroit à la base d'une montagne. Et puis nous progressions ensemble dans le noir, à quatre pattes. Puis nous arrivions dans une pièce (grotte? ça ressemblait plutôt à une pièce creusée dans la pierre). Là se trouvaient des tables, bureaux. Sur ces meubles se trouvaient des petits contenants: petits pots, coffrets, petites fioles. Et je regardais dans chacun de ces contenants, et chaque fois j'avais une surprise qui m'enthousiasmait. Je n'en voyais jamais le contenu, je veux dire que le moi du rêve seulement le voyait. Et puis je continuais à marcher dans un tunnel étroit, à quatre pattes, avec l'ours comme compagnon. Et j'arrivais encore dans une pièce où je faisais encore des découvertes et ainsi de suite... Le bonheur était dans chacune de ces découvertes et non dans un aboutissement... qui n'arrivait jamais.

Ce rêve était précurseur du cheminement intérieur que j'ai entrepris (ou qui m'a entreprise) à l'âge adulte. Enfin, ce qu'on appelle l'âge adulte! (Quant à moi, j'ai "grandi" sans jamais me sentir devenir une "madame"). A l'âge de 20 ans, j'ai quitté la maison familiale. Et c'est là que mes angoisses, mes peurs se sont amplifiées. Quand je pensais à mon avenir, je voyais un grand tourbillon noir, comme un cyclone. J'avais de drôles d'idées, comme un désir d'être paralysée, pour ne jamais avoir à prendre des décisions, qu'on me prenne en mains. J'ai consulté une psychologue, commençant une thérapie individuelle qui a duré environ cinq mois. C'est là que j'ai appris les rudiments de la psychologie. J'ai compris que je n'étais consciente que d'une petite partie de ce que j'étais, et que je me "bluffais" sur moi-même. Je me souviens que je sortais de ces rencontres plus légère. Enfin, je commençais à comprendre comment l'esprit humain fonctionnait, et le mien en particulier. On m'a proposé une thérapie de groupe, j'y ai participé quelque temps, mais ensuite j'ai quitté... bien décidée à entreprendre mon propre cheminement. La clé était de prendre conscience, de ne rien "laisser passer" dans la mesure du possible, de travailler sur soi.

Je venais de commencer à dessiner, à écrire. J'étais remplie de bonne volonté. Je suis autodidacte. Je n'ai pas pris de cours. J'y suis allée franchement, d'abord maladroitement, et ensuite j'ai trouvé peu à peu mon style. Par exemple, mes premiers dessins étaient ceux d'un enfant, je dessinais n'importe quoi, faisant fi de l'esthétique et de la perspective. C'est en dessinant que j'ai appris à dessiner, à ma manière. Et ce qui en est sorti m'a vite étonnée!
Un de mes premiers sujets d'écriture a été le rêve que je viens de vous raconter, mon premier long poème. J'écrivais aussi sur mes états d'âme, mes peurs, mes souhaits. Le dessin et l'écriture ont été très importants pour moi. Ma créativité m'a permis de me découvrir dans ma singularité, mon originalité et de commencer à m'aimer!

samedi 4 juillet 2009

La pierre philosophale

Extraits du livre "La voie de la transformation d'après C.G. Jung et l'Alchimie", d'Etienne Perrot

"L'oeuvre n'est pas un objet, mais un sujet. C'est un mouvement que l'on ne peut comprendre qu'en marchant, c'est un bain dans lequel il faut se plonger. Il faut avoir mis la main à la pâte pour acquérir le droit de parler. L'alchimie n'est pas une doctrine. Il n'y a pas de doctrine alchimique, mais une réalisation intime, subjective. Lorsqu'elle aura été menée à bien, les concepts ou les images seront données pour la traduire, s'il plaît à la Pierre, mais cette expression sera toute personnelle. Le concert des authentiques philosophes hermétiques est une symphonie dans laquelle il n'entre pas deux instruments identiques. Et chaque instrument doit d'abord être confectionné par la Pierre, il est la Pierre elle-même sous une forme individuée, unique."

"La pierre est la "chose simple" (res simplex), mais elle résume en elle la complexité de l'univers, elle est un monde en petit, un microscome. Le chemin qui y mène est, à son image, simple dans son dessin général et complexe dans son déroulement, puisqu'il serpente constamment d'un opposé à l'autre. Il faut viser à l'unité, mais sans rien sacrifier des contraires qui doivent être réintégrés en elle. L'esprit ne doit pas s'évader du corps, l'ascension au septième ciel n'est pas la réalisation de l'homme. Le corps doit au contraire capter l'esprit et le retenir fermement par des noeuds très forts... En termes jungiens, le moi conscient ne doit pas demeurer fasciné par les archétypes de l'inconscient, mais il doit les intégrer. C'est en cela qu'un travail matériel, quelle qu'en soit la forme, est un support des plus précieux de la réalisation intérieure."

"C'est la nature qui se charge elle-même, si nous lui demeurons attentive, des différentes corrections nécessaires. Pour parler comme Jung: la vie psychique est auto-régulation. L'athanor en fonctionnement ressemble aux machines à laver automatiques. Tout s'y passe sans intervention de l'opérateur... Il suffit de la mettre en marche."

"Nous ne devons pas tendre à connaître d'une façon distincte indépendamment de l'inconscient, mais demeurer aux écoutes de l'inconscient et traduire docilement ce qu'il nous enseigne, accomplir ce qu'il nous demande - y compris des aventures intellectuelles, étant entendu que celles-ci seront menées à partir du fond réalisé. L'homme qui est sur cette voie est un centre. Il renferme en lui la totalité, ou plutôt, il épouse la totalité et, comme celle-ci est par définition infinie, elle révèle à travers lui tel ou tel de ses aspects. C'est ce qui donne à chaque être réalisé sa place et sa nature spécifique. L'individuation n'est pas une uniformisation, une perte dans l'indifférencié, mais au contraire la capacité donnée à chacun de traduire l'aspect du Tout qu'il est dans sa vocation de révéler, une idée divine qu'il est seul à pouvoir réaliser. C'est là le nom nouveau dont parle l'Apocalypse: "Au vainqueur je donnerai un caillou blanc sur lequel est écrit un nom nouveau que personne ne connaît si ce n'est celui qui le reçoit."

"Les phénomènes de la voie sont variés à l'infini et c'est un sujet d'émerveillement constant pour le psychologue que de constater les prodigieuses richesses d'invention de la vie et la manière dont l'énergie créatrice fait éclater tous les schémas, ruine tous les programmes et se plaît à emprunter le moyen auquel précisément on ne s'attendait pas. Il comprend pourquoi les vieux Chinois, modèles de souplesse pratique, plaçaient la conduite de l'homme fidèle aux suggestions de la vie sous le signe de l'inattendu, qui est en même temps celui de l'innocence, c'est-à-dire de la spontanéité."